La régression n’est pas une fatalité !

La régression n'est pas une fatalité ! - Retraites (Cottonbro - https://www.pexels.com/fr-fr/@cottonbro)

Tribune parue dans le n°86 d’Initiatives.

L’accroissement de l’espérance de vie, particulièrement de l’espérance de vie en bonne santé, est un fait heureux. Certains voudraient pourtant présenter ce progrès comme une charge insupportable pour notre système de financement solidaire. Quel retour en arrière si on se rappelle que les premières pensions ouvrières en 1912 devaient aider à « mourir dignement », ou qu’en 1945, il s’agissait encore de permettre une vieillesse décente. Ce n’est qu’à partir de 1982 que progressivement « retraites » rima avec ouverture d’une nouvelle vie riche par l’engagement social et familial permettant un nouvel épanouissement personnel, libéré du travail.

L’histoire nous l’enseigne : retraite veut dire d’abord conquête. Dire que la diminution du ratio actif/retraités condamnerait le système à une durée de cotisations toujours plus longue et/ou à des retraites de misère pour le plus grand nombre est un mensonge éhonté. C’est oublier les gains de productivité immenses liés à l’intensification du travail, à sa flexibilisation et à sa précarisation, supportés par les seuls salariés. De fait, notre pays n’a jamais été aussi riche (4e puissance mondiale, 2000 milliards de PIB, doublé en 30 ans) ! Les salariés, les actifs et les retraités, les citoyens qui ont voté pour François Hollande étaient donc en droit d’attendre que la nouvelle réforme des retraites commence par s’attaquer à une nouvelle répartition des richesses. La part de la richesse produite, consacrée à la rémunération du capital n’a-t-elle pas explosé, passant en trente ans de 3,2 % à 9,3 % de la richesse créée ?

Ce sont ainsi 180 milliards d’euros qui échappent chaque année aux cotisations sociales quand le gouvernement en recherche aujourd’hui 7 ! Et on pourrait allonger la liste des politiques assumées par les gouvernements successifs qui ont creusé délibérément les soi-disant déficits de la sécurité sociale : exonérations massives de cotisations, concessions toujours plus grandes accordées au CNPF puis au MEDEF. Tout cela payé par les salariés, sous forme de déremboursements, de franchises médicales, de réformes à répétition des retraites imposant les sacrifices toujours aux mêmes. Jean-Marc Ayrault a souhaité malheureusement s’inscrire dans les mêmes pas. « Il y aurait une incohérence à augmenter les coûts du travail au moment où l’on souhaite baisser les charges des entreprises », vient-il de déclarer pour défendre la compensation par l’État de la hausse des cotisations retraites des employeurs, notamment par une baisse de leurs cotisations familiale. Ainsi, 100 % de la facture est adressée aux salariés !

Oui, il est possible de rassembler sur un projet progressiste de réforme des retraites : les jeunes, premières victimes du passage à 43 ans de la durée de cotisations (trimer jusqu’à 66 ans ou partir avec une retraite de misère !) ; les retraités déjà précarisés (même avec 1100 euros par mois) qui vont subir une nouvelle perte de leur pouvoir d’achat ; les salariés notamment en fin de carrière qui aspirent à souffler. Ne soyons pas dupes des projets de la droite qui continue à semer la division au nom des prétendues inégalités entre régimes de retraite alors que malgré la diversité des modes de calcul, hérités de l’histoire, les salariés du privé et de la Fonction publique arrivent au même niveau de retraite. Ce que veut la droite, comme l’écrit Xavier Bertrand, ancien ministre des Affaires sociales, c’est le report de l’âge légal à 65 ans et « un système d’épargne » (comme le mot est bien choisi pour qualifier un système par capitalisation qui a fait faillite en Suède et aux USA !)

Les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste abordent avec détermination le prochain débat sur les retraites en se nourrissant des apports des syndicalistes, des acteurs associatifs opposés à cette réforme injuste et déséquilibrée. Nous entendons ensemble faire progresser d’autres pistes : taxation des revenus financiers, modulation des cotisations sociales en fonction des politiques menées ou non en faveur de l’emploi, des salaires et de la formation...

Nous ne ménagerons pas non plus nos forces pour obliger le gouvernement à améliorer sérieusement les quelques avancées prévues dans la loi sur la prise en compte de la pénibilité (on est très loin du compte ici) et du handicap pour réduire les inégalités hommes-femmes, pour que les études soient prises en compte au même titre que les stages (quel cynisme de demander aux ex-étudiants de racheter leurs années avec une aumône de 1000 euros pour seulement un an) etc. Mais même ces améliorations ne pourront modifier les grandes lignes du projet. Plus que jamais le rassemblement des forces progressistes du pays est nécessaire pour faire grandir concrètement l’exigence d’un nouveau projet de société.

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