Un moratoire est nécessaire

Tribune parue dans le n°86 d’Initiatives.

La directive Seveso, du nom de la catastrophe qui eut lieu en Italie, est une directive européenne qui oblige les États à identifier les sites industriels présentant des risques d’accident majeurs. L’objectif premier devrait consister à réduire le danger de l’activité à la source. Il y a plus de 1200 sites Seveso en France. C’est un sujet que je connais particulièrement bien, puisqu’à Saint-Pierre-des-Corps, la ville dont je suis maire, trois sites Seveso sont soumis à des Plans de Prévention de Risques Technologiques (Primagaz, et deux dépôts de stockage, remplissage, et distribution d’hydrocarbures.) Deux questions essentielles se posent, les études de danger, de la seule compétence des industriels et de l’Etat, et le financement des travaux sur les habitations, à la charge des habitants et des communes.

L’État et l’industriel s’accordent pour la mise en œuvre de l’étude de danger. L’expert est choisi par l’entreprise qui doit chercher à empêcher l’accident éventuel en modifiant les process de production, son organisation, en mettant en place des mesures de sécurisation de l’outil industriel. Cette recherche de la réduction de danger à la source trouvera sa limite dans ce que le texte appelle « l’économiquement acceptable ». De ces préconisations plus ou moins importantes dépendront celles sur les habitations du voisinage. Plus les risques à la source seront atténués plus les travaux des particuliers seront faibles et vice versa. Pourquoi ne donnons-nous pas les moyens aux habitants et aux élus de désigner de leur côté un expert indépendant qui pourrait aider à mieux comprendre les propositions et surtout à faire des contre-propositions utiles à tous ? Les habitants pris isolément pas plus que les élus n’ont la connaissance suffisante pour apprécier les éléments très techniques des préconisations proposées.

Comment imaginer que les habitants, les premiers concernés par ces choix, soient absents de ce processus, alors que des décisions importantes en termes de travaux sur le site industriel auront des conséquences financières pour les habitants eux-mêmes ? L’expropriation ou le délaissement pouvant être la conséquence extrême d’une décision de dépense à minima. Rien dans les textes législatifs ou réglementaires n’impose de règles contraignantes pour limiter le risque à la source. Les PPRT imposent de façon unilatérale des travaux de sécurisation, d’isolation sur les habitations. Ils touchent bien souvent des ménages modestes, des retraités.

Les expropriations provoquent des bouleversements dans les vies familiales. Les familles n’ont qu’à exécuter des obligations fixées par l’industriel après le scénario fixé par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Certes, le financement peut éventuellement peser sur les comptes de l’entreprise si les travaux sont importants. Pour prévenir des catastrophes naturelles, des cotisations supplémentaires sont prévues pour prendre en charge les frais occasionnés par les conséquences des dites catastrophes. Pourquoi ne pas imaginer un système similaire pour le financement des préventions des catastrophes technologiques ou créer un fonds de solidarité auquel participeraient les entreprises ?

De tels travaux sur les habitations ou des expropriations ne peuvent être supportés financièrement par les communes. Cela semble totalement incohérent et ce d’autant plus pour les permis de construire accordés avant 1983 qui relevaient de la seule décision de l’État. Les habitants qui, de leurs côtés, ont construit alors qu’ils en avaient l’autorisation, ne doivent pas plus, être pénalisés. Quant à la proposition d’un plafond de 20 000 euros préconisé par la loi, cela semble en règle général très en dessous des besoins et laisse donc à la charge des familles des sommes trop importantes à régler ou des travaux insuffisants pour assurer la sécurité. Il est indispensable aujourd’hui de remettre à plat la loi afin d’optimiser la sécurité de tous et de redéfinir les responsabilités et de clarifier durablement la question du financement.

Nous demandons donc avec notre groupe un moratoire pour la mise en œuvre des PPRT issus de la loi N° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et à la réparation des dommages et des lois subséquentes, jusqu’au 1er septembre 2014 afin de procéder à une nouvelle concertation avec les acteurs concernés.

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