Paix et démocratie

Plus les jours passent, plus on découvre le cortège d’horreurs que provoque la guerre : plus de 115 000 victimes dont une majorité de civils et des dizaines de milliers de blessés, laissés sans soin ; la détresse des 2 millions de réfugiés au Liban, en Jordanie, en Turquie, au sort de plus en plus précaire ; les 5 millions de déplacés, fuyant les combats et cherchant à échapper à la fois aux exactions des groupes djihadistes et aux bombardements et blocus de l’armée syrienne ; les enlèvements de journalistes et personnels humanitaires étrangers. C’est à l’ensemble d’un peuple syrien déchiré par cette guerre qu’il faut offrir d’urgence un espoir de paix et d’avenir. Plus la guerre continuera, plus l’implantation des groupes djihadistes sera dominante, plaçant les populations sous leur tutelle.

Leur objectif proclamé est de créer un État islamiste en Syrie et d’imposer la charia – un projet totalement étranger aux aspirations du peuple syrien, qui s’est levé pacifiquement, en mai 2011, pour la démocratie et une société civile. Aucune complaisance d’aucune sorte ne peut être de mise à l’égard des djihadistes. D’autant que le régime de Bachar Al Assad se sert de leur présence pour se parer de la lutte contre le terrorisme et l’intégrisme afin de faire oublier sa propre responsabilité dans la guerre qu’il mène contre son peuple. Ce tableau est sombre... Toutefois, l’accord survenu, il y a quelques semaines à l’ONU, en faveur de la destruction de l’armement chimique syrien constitue une vraie avancée diplomatique. Pour la première fois depuis le début du conflit, le Conseil de sécurité s’est unanimement prononcé, en contraignant le régime syrien à accepter et à mettre en œuvre le processus de destruction de son armement chimique. Les opinions publiques ont pesé sur l’attitude des USA et de la Russie pour imposer cet accord. L’ONU, elle, a rempli son rôle et les aventures guerrières ont été repoussées. Cette ouverture diplomatique confirme qu’il n’y a aucune fatalité à la poursuite de la guerre dès lors qu’existe une volonté politique suffisamment déterminée pour y mettre fin.

Le caractère international et régional qu’a pris ce conflit, après l’avoir nourri, doit maintenant permettre d’en sortir. C’est le but de la tenue de la Conférence pour la paix en Syrie, dite Genève II, prévue pour mi-novembre, et qui doit permettre de réunir, sous l’égide de l’ONU et avec l’engagement des puissances impliquées – USA, Russie, Iran, UE – l’ensemble des acteurs syriens, représentants du régime et de l’opposition syrienne, hormis les djihadistes. Son objectif est d’ouvrir une issue politique qui non seulement mette fin à la guerre, mais aussi avance vers la construction d’une Syrie démocratique et pacifique. Car la priorité est de faire cesser les violences. Vouloir mettre un terme aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, c’est agir pour arrêter les affrontements. Il n’y a pas de guerre propre et aucune des deux parties ne sortira vainqueur sans ouvrir aussitôt de nouveaux fronts. Il s’agira aussi d’engager rapidement les conditions du retour des réfugiés et déplacés et reconstruire le pays. Mais parvenir à ces accords exige la tenue de discussions entre les différentes parties syriennes, une opposition rassemblée dans toute sa diversité, sans exclusive ni préalable, et des représentants du régime convaincus d’en finir avec cette guerre et d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire de la Syrie.

À l’issue de cette Conférence, l’émissaire de l’ONU, Lakhdar Brahmi, proposera la création d’un gouvernement de transition en charge de tous les pouvoirs relevant jusqu’alors de l’exécutif de l’État syrien, pour préparer une nouvelle Constitution et de nouvelles élections ; ceci afin de jeter les bases d’un État de droit démocratique, civil et pluraliste. C’est sur cet horizon que réside l’espoir pour la paix et la justice du peuple syrien. Pour y parvenir, la France doit jouer un rôle positif si elle accepte de s’engager dans ce processus politique, qui fait reculer les logiques de guerre, en donnant toute sa place à la diplomatie. Elle retrouverait une image positive, sérieusement écornée suite à la manière dont elle a conduit sa politique sur la crise syrienne. C’est le vœu des Français eux-mêmes qui attendent de leurs représentants des actions pour la paix et la démocratie.

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