Débat préalable au Conseil Européen des 19 et 20 décembre 2013

Débat préalable au Conseil Européen des 19 et 20 décembre 2013 - Question au Ministre à propos du détachement des travailleurs (Josh Hild - https://www.pexels.com/fr-fr/@josh-hild-1270765)

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

Deux points principaux seront à l’ordre du jour : l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et la politique de sécurité et de défense commune.
Avant d’aborder ces deux sujets, j’aimerais évoquer les normes européennes en matière de détachement des travailleurs. Voilà deux mois, le Sénat avait adopté à l’unanimité la proposition de résolution européenne que M. Éric Bocquet avait présentée sur le sujet. Je tiens à présent à vous faire part des grandes avancées que notre pays a obtenues sur ce dossier très sensible et à saluer l’ensemble des ministres qui s’y sont impliqués. Je pense notamment à notre ami Michel Sapin, qui a négocié au nom du Gouvernement
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La parole est à Mme Annie David (à propos du détachement des travailleurs)

Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur la directive relative aux travailleurs détachés.
Je suis satisfaite du premier pas obtenu en la matière, tout en étant frustrée que cette avancée se borne à entériner la directive d’exécution telle qu’elle avait été proposée, alors que nous avions estimé ici, à l’unanimité, qu’elle était insuffisante. En effet, elle n’applique cette mesure phare qu’est la responsabilité solidaire qu’au seul secteur du BTP, et uniquement aux sous-traitants de niveau 1, alors que nous demandions que la responsabilité solidaire concerne tous les secteurs et l’ensemble de la chaîne des sous-traitants, à l’instar de la directive 2009/50/CE.
J’aimerais donc savoir si le Gouvernement entend continuer à promouvoir l’élargissement du champ de la responsabilité solidaire.
Nous avions également demandé la limitation à trois échelons de la chaîne de sous-traitance, qui peut aujourd’hui en comporter douze. Allez-vous maintenir cette exigence ?
Une liste d’informations pourra être demandée aux entreprises : c’est un premier pas, mais il s’agira pour les États d’une simple faculté. Il est regrettable que le dispositif ne soit pas plus contraignant, afin de lutter contre les entreprises « boîtes aux lettres ». S’agira-t-il de la liste « ouverte » prévue à l’article 3 de la directive d’exécution ou d’une liste « fermée » ? Le Royaume-Uni et la Pologne ayant donné leur accord, je m’interroge sur le contenu de cette liste.
Enfin, M. Sapin a indiqué que la transposition de cette directive dans notre droit interne interviendrait au mois de janvier prochain, par le biais d’une proposition de loi déposée par les députés socialistes. J’aurais préféré que le Gouvernement présente lui-même un texte à cette fin, car l’application de l’article 40 de la Constitution nous empêchera demander des moyens supplémentaires pour les URSSAF, la police ou l’inspection du travail, contrairement à ce qu’a affirmé M. Sapin.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Madame la sénatrice, je suis pour ma part très satisfait de ce premier pas. Je puis vous assurer que nous revenons de très loin ! La probabilité qu’un texte de base puisse être approuvé par une majorité qualifiée des États membres était mince. Heureusement, un pays a rejoint notre position à la dernière minute, mais beaucoup pariaient sur notre échec. Absolument rien n’aurait alors changé sur cette question pendant au moins un an, car je ne vois pas quel pays aurait demandé à en rediscuter dans les mêmes termes, sans apporter d’élément nouveau susceptible d’emporter l’accord des pays s’étant une première fois opposés à l’adoption d’une telle directive.
Concernant l’article 9, il s’agit bien d’une liste ouverte, dont le contenu sera déterminé par la loi nationale, qui précisera donc quels seront les documents exigibles. À cet égard, je précise que ces documents devront être écrits en français, ce qui facilitera le contrôle sur pièces. La directive permettra également d’imposer des règles dans les pays qui en étaient dépourvus.
L’article 12 met en place, pour tous les États et sans seuil d’application, une responsabilité des entreprises donneuses d’ordres du secteur du bâtiment et des travaux publics à l’égard de leurs sous-traitants. Il sera donc possible d’établir une chaîne de responsabilité pour lutter plus efficacement contre la fraude et, plus largement, contre les montages frauduleux.
Ensuite, il appartiendra à chacun des pays d’inscrire ou non dans son droit interne une limitation du nombre d’échelons de la chaîne de sous-traitance. Cela ne relève pas de la directive.
Il s’agit à mon sens d’une belle avancée. Je peux vous dire que nous n’aurions pas pu faire bouger les choses d’un iota il y a dix-huit mois sur ce sujet : certains pays directement intéressés n’auraient pas fait ce pas dans notre direction.
Il est significatif de constater que des pays qui n’avaient pas vocation ou intérêt à accepter une telle évolution, parce qu’ils étaient fournisseurs de travailleurs détachés, ont pris conscience de la résonance de ce dossier dans l’opinion publique et n’ont pas voulu prendre le risque, à l’approche des élections européennes de mai prochain, de donner du grain à moudre à des partis qui rejettent l’Europe. Je salue tout particulièrement l’attitude courageuse de la Pologne, premier pays d’origine des travailleurs détachés, qui a privilégié l’intérêt européen en faisant un choix qu’elle devra maintenant expliquer à ses entreprises.

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