À Lyon, des baronnies qui bafouent la démocratie locale

Tribune parue dans le numéro 88 d’Initiatives.

Le département du Rhône a toujours été le fer de lance de nouvelles expérimentations. Aussi m’apparaît-il nécessaire de rappeler quelques faits montrant combien le débat et la démocratie sont absents et bafoués au quotidien dans ce département. Dès 2005, Michel Mercier, président du Conseil général du Rhône, instaurait le contrôle sur le train de vie des bénéficiaires du RMI.

En 2006, il acceptait une expérimentation en prévision de la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance qui consistait à confier la mise en œuvre de certaines mesures judiciaires d’assistance éducative aux Conseils généraux et non plus à l’État avec toutes les disparités entre territoires que créeraient celle-ci. En 2008, il se proposait « département pilote » pour la mise en œuvre du RSA. En décembre 2010, il créait, à la surprise des élus qui l’apprenaient par voie de presse, un pôle métropolitain englobant les intercommunalités existantes sans les remplacer, nouveau mille-feuille, dont le budget s’élève – pour l’instant – à 950 000 euros.

Ce pôle métropolitain regroupe le Grand Lyon, Saint-Étienne Métropole, la communauté d’agglomération Porte de l’Isère, et la communauté d’agglomération du Pays isérois avec en filigrane la volonté de concurrencer les grandes métropoles européennes comme celles de Barcelone, Milan ou Francfort. En mai 2012, Michel Mercier encore Président du Conseil général du Rhône, constituait une nouvelle commune, à sa main,
« Thizy-les-Bourgs » fusion des communes de Thizy, Bourg-de-Thizy, Marnand, Mardore, et La Chapelle-de-Mardore, puis démissionnait de la Présidence du département afin de se consacrer à son nouveau fief du Haut Beaujolais. Enfin, toujours par voie de presse, une très grande majorité d’élus, découvrait le partage du département en deux, la naissance de la métropole européenne de Lyon et d’un nouveau département, avec deux seigneurs : Messieurs Gérard Collomb et Michel Meccier.

Nous constations que, sans attendre la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles, ces deux messieurs se partageaient le département sans concertation… Ils expérimentaient… Encore ! Au moment des faits, je m’étais déjà insurgé, avec d’autres élus, contre ce hold-up des territoires, contre cette façon de procéder qui actait la « suppression » des communes et le retour au féodalisme sur des projets touchant directement les populations. Au 1er janvier 2015, le « nouveau Rhône » comptera 13 cantons avec 230 communes et un peu plus de 429 000 habitants. Quant à la Métropole de Lyon, elle sera constituée de 58 communes et pas moins de 1 315 200 habitants. Les quelques 4 000 employés départementaux rejoindront les 6 500 salariés du Grand Lyon.

Chacun n’ayant pour l’instant aucune indication sur les conditions du transfert, les premières réunions d’information se tiendront certainement en juin prochain, orchestrées par la Modernisation de l’Action Publique, ex-RGPP. Pourtant, si les salariés restent inquiets, la population a, elle aussi, des raisons d’être préoccupée ! En effet, certaines subventions du département sont suspendues sur des projets importants pour ses habitants. Par exemple, pour ne citer qu’elle, sur la commune de Vénissieux où je réside, c’est le Centre Nautique Intercommunal qui est concerné à hauteur de deux millions d’euros de subvention initialement prévus. Devons-nous penser que cette suspension est la cause de notre « résistance » face à l’intégration forcée ? Devrons-nous être « gentils » jusqu’à tout accepter à l’avenir ?

Voilà la réalité sur le département du Rhône. J’en conclus que cette réorganisation territoriale a bien été configurée pour permettre aux décideurs de dégager de nouveaux marchés plus grands qu’à l’échelle communale, un partage des marchés publics comme on le voit dans le cadre des partenariats publics-privés aux coûts finalement exorbitants pour l’État et pour les collectivités comme l’avait fait remarqué l’inspection générale des finances (IGF) dans son rapport administratif.

Alors que communes et départements devront faire face à une réduction des concours financiers de l’État à hauteur de 4,5 milliards d’euros sur 3 ans, soit 1,5 milliard d’euros dès cette année, en pleine crise économique et sociale, alors bon nombre de nos concitoyens souhaitent des réponses à leurs besoins fondamentaux. Ajoutons à cela la double peine pour eux, celle de l’éloignement des lieux de pouvoir et des prises de décisions ainsi que la remise en cause du service public rendu. Je suis pour ma part convaincu que cette réorganisation territoriale ouvrira la voie, avec le Grand-Paris, l’agglomération marseillaise et de futures métropoles, à un recul sans précédent de la démocratie locale !

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