Il faudrait, au nom d’une certaine conception européenne, laisser les intérêts financiers et marchands dicter leurs règles

La présente proposition de loi va bien évidemment dans le bon sens – je souscris pleinement à l’intervention de mon collègue Éric Bocquet – et comporte des avancées positives : encadrement du recours à la sous-traitance et aux travailleurs détachés, responsabilisation des donneurs d’ordre à l’égard du comportement des entreprises auxquelles ils délèguent une partie de leur activité… Elle marque incontestablement un progrès.

Il s’agit toutefois d’un progrès limité, tant le retard que nous avons malheureusement accumulé depuis des années est grand et tant le recours aux travailleurs détachés est devenu récurrent. On parle, cela a déjà été dit, de 200 000 à 300 000 travailleurs détachés en France, sans compter ceux qui ne sont pas déclarés.

Or cette pratique, autorisée par la directive européenne de 1996, répond dans la plupart des cas à une logique, à un fondement économique et politique que nous contestons et selon lequel il faudrait, au nom d’une certaine conception, laisser les intérêts financiers et marchands dicter leurs règles.

En réalité, cette logique libérale – nous en subissons malheureusement les effets – met en concurrence les peuples et les pays européens.

Soyons clairs : nous ne nous retrouvons nullement dans cette construction européenne-là, qui autorise le dumping social et la mise en concurrence des travailleurs entre eux. Cela a déjà été indiqué par d’autres intervenants : cette conception va à l’encontre de l’idéal européen.

À la différence d’autres groupes politiques, nous n’hésitons pas à affirmer de manière constante et régulière notre opposition non seulement à ce gâchis économique et social, mais aussi à cette dérive ultralibérale européenne qui conduit à des replis dangereux.

C’est pourquoi, au-delà de la conjoncture électorale actuelle, nous revendiquons de manière constante des mesures beaucoup plus fortes pour combattre toutes les formes de dumping social.

Sur le fond, nous pensons qu’il faut être beaucoup plus ferme pour protéger les salariés et les petites et moyennes entreprises victimes de cette concurrence déloyale. Nous le montrons d’ailleurs de manière constante : seuls les élus du groupe Gauche unitaire européenne-Gauche verte nordique, dont font partie les élus communistes et ceux du Front de gauche, se sont opposés à l’adoption de la directive d’exécution, laquelle, nous le savons tous dans cette enceinte, ne constitue en rien un changement fondamental par rapport au texte initial.

Monsieur le ministre, vous avez opté pour un discours volontariste et optimiste en disant que faire l’Europe, ce n’est pas laisser faire et qu’il n’y aura plus ni dumping ni exploitation. Mais vous savez tout aussi bien que nous que la directive européenne permet intrinsèquement ce dumping social, le différentiel de cotisations patronales suivant les pays pouvant impliquer un différentiel de coût de l’ordre de 30 à 40 %.

Beaucoup de chemin reste encore à parcourir. La vraie question, selon nous, est celle de l’harmonisation sociale européenne. Il s’agit de la seule voie efficace pour combattre à la racine et dans la durée le dumping social que chacun, semble-t-il, condamne dans cet hémicycle.

La présente proposition de loi constitue un petit pas ; elle apporte des garanties nouvelles, même modestes, pour protéger les salariés et nos entreprises. Nous resterons bien évidemment vigilants, mais aussi ambitieux pour faire avancer les choses encore plus. Nous voterons ce texte qui marque une étape intéressante.

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