Michel Billout accueille à Nangis l’assemblée générale des anciens exploitants de la FDSEA

Madame la présidente,
Mesdames, Messieurs les membres du bureau,
Mesdames, Messieurs,

Tout d’abord, je tenais à vous dire que la ville de Nangis est très heureuse d’accueillir cette assemblée générale de la section des anciens exploitants de la FDSEA, d’autant plus que l’année dernière nous avions reçu l’assemblée générale de la FDSEA 77.

L’agriculture est un secteur d’activité essentiel pour notre département tout comme pour la commune de Nangis. La Seine-et-Marne, malgré une densifications de l’urbanisaton à l’ouest, demeure un département rural où l’agriculture joue un rôle majeur autant au niveau économique, environnemental que social.

Aujourd’hui, l’agriculture Seine-et-Marnaise compte 2650 exploitations agricoles et 5700 actifs.

Nous savons que sur notre territoire, il existe un véritable savoir-faire qui doit être perpétué et surtout valorisé. Les différentes récompenses que les exploitants agricoles locaux ont reçu lors de concours aussi prestigieux que celui du salon de l’agriculture, pour ne citer que celui-ci, en attestent.

Cette transmission des savoirs est un des enjeux majeurs si nous voulons donner le goût aux jeunes générations de s’investir dans ces filières, qui, à première vue, ne font pas parties des plus sollicitées par les élèves.
D’ailleurs, le ministre de l’agriculture a été interpellé dernièrement sur la faiblesse des moyens attribués pour l’enseignement agricole public dans la loi d’avenir agricole.
Il est essentiel, si nous voulons conserver un tissu agricole dynamique, moderne de favoriser le développement de la formation professionnelle sur l’ensemble du territoire national.

Nous savons que le monde agricole a, durant des siècles, façonné les paysages de nos campagnes, et dans le contexte de transition écologique où nous nous trouvons actuellement, il est indispensable de mener une réflexion globale.
Si le renouvellement des générations d’agriculteurs est compromis, se sont tous les écosystèmes qui seront endommagés. D’où l’importance aussi d’une juste rémunération si nous voulons favoriser l’installation de jeunes exploitants agricoles.

Face aux enjeux de civilisation, l’agriculture va être un élément déterminant du projet de société pour les générations futures. Alors que la production agricole mondiale peut nourrir le monde, plus d’une personne sur sept souffre de la faim soit 1 milliard de personnes... Aujourd’hui, les denrées alimentaires et surtout les matières premières sont sources d’une spéculation sans limite. Ainsi ce n’est plus le travail de l’agriculteur qui est rémunéré mais les manipulations financières de quelques uns.

Il me semble donc important de pouvoir mener une politique nationale créatrice d’emplois, respectueuse de l’environnement, structurante par l’aménagement du territoire, assurant un approvisionnement stable des populations en produits agricoles et alimentaires à des prix socialement acceptables, le tout s’inscrivant dans une démarche de solidarité internationale.

Malheureusement, je crains qu’en inscrivant l’agriculture dans les négociations de l’organisation mondiale du commerce (OMC), nos dirigeants aient capitulé, démantelant de façon systématique toute la politique agricole commune qui est fondée sur la préférence communautaire. D’ailleurs, le budget de la PAC, 373,2 milliards d’euros pour la période 2014-2020 a diminué de 47,5 milliard d’euros soit 12%. La part réservée à la France ne diminue « que » de 3%. Les aides directes versées aux agriculteurs français sont quasi stabilisées : elles passent de 48,9 milliards d’euros sur 7 ans à 47 milliards d’euros. Pour le développement rural, elles augmentent de 8,6 à 8,8 milliards d’euros.

Mais ce qui doit nous inquiéter réellement est l’ouverture des négociations sur le traité transatlantique. La commission européenne a obtenu le mandat de négociations le 14 juin 2013. Celles-ci devraient aboutir en 2015. Cet accord vise à supprimer toutes barrières tarifaires ou non (normes, certifications...). Ce traité est une copie conforme du projet d’accord multilatéral sur l’investissement négocié, dans le plus grand secret, entre 1995 et 1997. Ce dernier, dévoilé in-extremis, avait soulevé un tollé général obligeant la commission européenne à l’abandonner.

Donc ce grand projet revient sur le devant de la scène. Même si actuellement les droits de douanes sont déjà assez bas 2 à 3%, il demeure que les tarifs douaniers européens sur les produits agricoles non transformés sont encore importants. C’est largement pour protéger l’Europe des exportations agricoles américaines hyper subventionnées (contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire).
Dans le domaine agricole, cet accord aura des conséquences dramatiques. Il faut savoir qu’aux États-Unis, on dénombre environ 2 millions de fermes (gigantesques) pour l’ensemble du pays quand l’Europe en a encore 10 millions... Comme le précise Jacques Berthelot, agro-économiste, ceci « accélérera le processus de concentration des exploitations pour maintenir une compétitivité minimale, réduirait drastiquement le nombre d’actifs agricoles, augmenterait fortement le chômage, la diversification des campagnes profondes, la dégradation de l’environnement et de la biodiversité et mettrait fin à l’objectif d’instaurer des circuits courts entre producteurs et consommateurs ».

Un autre point doit également nous interpeller concernant ces négociations. L’agriculture tend aujoud’hui a prendre toujours plus en compte l’environnement, l’utilisation des pesticides est contrôlée, tout comme les normes sanitaires qui entourent l’industrie agro-alimentaire. Les agriculteurs visent à produire des produits de grande qualité. Avec ce traité, tous ce que les agriculteurs ont mis en œuvre pour défendre des productions spécifiques à un territoire pourrait être mis à mal.
Les normes de qualité dans l’alimentation sont elles aussi prises pour cibles. Pour l’industrie agroalimentaire américaine, la réglementation européenne doit être assouplie et autoriser, par exemple, de désinfecter les poulets au chlore ou encore d’utiliser la ractopamine dans la viande de porc. Ce médicament, utilisé pour gonfler la teneur en viande maigre, est pourtant interdit dans cent soixante pays, dont la Chine et la Russie...

Il est donc indispensable que cet accord autorise la reconnaissance de la possibilité, pour chaque partie, d’apprécier différemment le risque alimentaire, sanitaire ou environnemental. Nous ne pouvons sacrifier la qualité de la production agricole sur l’autel d’une dérèglementation et d’une concurrence accrues.

En tant qu’anciens exploitants, vous vous êtes fortement mobilisés pour que votre système de retraite soit réformé. Vous avez raison, 700€ de retraite moyenne par mois pour une carrière complète, n’est pas digne de votre engagement.
Certes des avancées viennent d’avoir lieu avec la publication des décrets revalorisant les petites retraites agricoles. La RLO pourra être reversée au conjoint en cas de décès et il y aura un accès élargi à la pension minimale de retraite.

S’il s’agit de mesures positives, le fait que seuls les actifs agricoles contribueront au financement de ces mesures constitue une raison supplémentaire pour veiller à la bonne santé du monde agricole.
Je pense que tous ces sujets très importants vont traverser les débats de votre assemblée générale.
Je vous souhaite donc des travaux fructueux et une bonne journée à Nangis. Elle commence bien, il pleut !

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