L’action de votre gouvernement est en trop profond décalage avec son discours

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Aide publique au développement » est malheureusement l’illustration d’une politique dans laquelle le décalage entre les paroles et les actes est trop flagrant.

Madame la secrétaire d’État, votre bonne volonté et votre détermination ne sont pas en cause, mais votre tâche est rude pour réussir à nous convaincre que vous avez les moyens de votre politique et que vous maintenez les engagements du quinquennat. Tout prouve le contraire !

En effet, pour la cinquième année consécutive, les crédits engagés en « Aide publique au développement » baisseront de 2 ;7 % en 2015, soit une diminution de plus de 71 millions d’euros.

Si vous continuez sur cette pente triennale, il y aura eu, en 2017, sept années consécutives de baisse des crédits, avec un pic de 10 % en 2013.

Les 140 organisations non-gouvernementales rassemblées au sein de Coordination Sud n’ont pas manqué de relever que cette orientation à la baisse des moyens accordés à l’APD était à contre-courant de la tendance mondiale. En effet, la moyenne internationale se situe autour des 6 %.

Ces organisations ont surtout souligné combien une telle évolution contredisait le discours officiel sur la stabilisation de l’aide française depuis l’élection de François Hollande. À ce rythme, cette baisse atteindrait même 20 % sur la durée du quinquennat.

La conséquence immédiate, c’est évidemment que notre pays ne tiendra pas son engagement de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’APD en 2015, comme le font, par exemple, les Britanniques depuis deux ans.

Le seuil des 0,5 % avait été atteint en 2010. Depuis, votre collègue ministre des finances a reconnu les chiffres suivants : 0,40 % en 2013, 0,37% en 2014, 0,4 % prévu pour 2015, 0,49 % en 2016 et 2017.

Le résultat, c’est est aussi que notre position parmi les grandes nations dans le combat pour l’éradication de la pauvreté et pour le développement s’est franchement détériorée. Selon les statistiques de l’OCDE, nous sommes devenus le cinquième bailleur, après les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. Quand on se souvient que notre pays était au deuxième rang au milieu des années quatre-vingt-dix, on ne peut que déplorer la voie que vous suivez !

Cette tendance à la réduction des moyens que nous consacrons à de grandes causes se manifeste également dans le domaine de la francophonie. Le Président de la République a eu beau louer à Dakar ce week-end l’importance que doit jouer l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, dans le développement des pays de l’espace francophone, il n’en reste pas moins que, en quatre ans, la France a diminué de moitié ses contributions volontaires au budget de l’organisation.

De tels reculs ne sont pas dignes de la France et de ce qu’elle représente encore pour de nombreux pays.

À l’heure où le virus Ebola ravage quelques pays africains, il n’est pas acceptable que la santé des plus pauvres fasse les frais du redressement des finances publiques.

Nous aurions pu nous féliciter que des moyens importants pour lutter contre le fléau soient mobilisés, mais la moitié de l’aide est financée par redéploiement, et non sous forme de dons.

Madame la secrétaire d’État, j’ai égrené ces pourcentages bien connus non pas pour vous accabler, mais simplement pour resituer votre budget dans son contexte et le mettre en perspective, car il n’est pas sans signification ; il illustre, dans ce domaine aussi, la politique d’austérité que mène le Gouvernement.

Celle-ci s’applique tout particulièrement à votre département ministériel. Si le budget est voté en l’état, on pourrait mécaniquement prévoir, selon l’expertise de l’ONG Oxfam France, que les crédits de l’APD seront treize fois plus touchés que le budget général entre 2015 et 2017.

Au-delà de ce constat, je vous reproche également d’user de quelques artifices pour atténuer la réalité des choses.

Ainsi, une partie de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la taxe dite « Chirac » sur les billets d’avions servent à compenser la baisse de vos crédits. Pourtant, les deux taxes avaient vocation à constituer des recettes exceptionnelles.

Votre budget souffre aussi de problèmes structurels. Nous évoquons ces problèmes de manière récurrente au sein de notre commission, mais leur résolution est toujours renvoyée aux calendes grecques.

Ainsi, le volume global de l’APD, qui est de plus de 10 milliards d’euros, est artificiellement gonflé.

Nous savons tous ici que vous y comptabilisez notamment des allégements de dette et des dépenses pour l’éducation et l’accueil des réfugiés. Si tout cela était sincèrement à sa place, le volume global ne s’élèverait qu’à un peu moins de 8 milliards d’euros.

Dans le même ordre d’idées, la part des dons aux pays ne cesse de diminuer. Cela pose la question des orientations assignées à l’Agence française de développement.

Dans ces conditions, comment respecter le principe des priorités géographiques en direction de la liste de seize pays pauvres que nous avions établie dans la loi de programmation et d’orientation consacrée au développement et à la solidarité internationale ?

Pour mesurer la modestie de ces crédits, il faut savoir que chacun de ces seize pays pauvres prioritaires n’aura reçu en moyenne que 10 millions d’euros de subventions de l’AFD en 2014.

Le peu d’attention accordé par la France au développement des pays et des peuples qui en ont le plus besoin n’est pas qu’une affaire de finances publiques et de budget contraint. Cela révèle aussi une conception de l’aide au développement qui ne se fonde pas sur la solidarité internationale, ni sur de grands principes, ni sur des valeurs dont un pays comme le nôtre aurait quelques titres à se prévaloir.

J’irai même jusqu’à dire que cette conception étroitement mercantile entache l’image de notre pays. J’en veux pour preuve l’appréciation sévère qu’avait pu porter l’OCDE sur l’évolution de notre APD en 2013 : « La baisse des dons, en valeur absolue et relative, menace sérieusement la capacité d’intervention de la France dans les pays pauvres ou en crise […] et la met en marge des efforts de la communauté internationale qui ciblent la lutte contre la pauvreté. »

Je sais bien que notre pays n’a pas l’exclusivité de cette attitude. Les États membres de l’Union européenne n’ont-ils pas proposé de réduire de 45 millions d’euros leurs crédits d’engagement pour le développement ? Mais cela ne peut être une excuse derrière laquelle nous abriter.

Il n’en reste pas moins que nous donnons le mauvais exemple à la veille d’échéances décisives en matière de développement durable, comme la conférence de Paris sur le climat ou la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement.

Pour cet ensemble de raisons, et parce que l’action de votre gouvernement est en trop profond décalage avec son discours, le groupe CRC votera contre le projet de budget que vous nous proposez.

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