Application de la L.O.L.F.

par Odette Terrade

J’ai écouté avec beaucoup d’attention M. le rapporteur général. Si l’on dépasse la technicité des propos, la question du président de la commission des Finances consiste à savoir comment les gestionnaires de la dépense publique ont intégré la loi organique relative aux lois de finances dans leurs réflexions. En 2001, notre groupe avait été le seul à émettre les plus grandes réserves sur ce projet de loi organique, alors qu’un consensus semblait se dégager entre rapporteurs généraux ! À l’époque, nous avions dit que cette loi posait plus de problèmes qu’elle n’en traitait : dépenses de personnel, fixation des enveloppes budgétaires, programme d’intervention de l’État.

 Cette loi organique apparaissait comme un outil de gestion particulièrement austère des deniers publics, assortie de quelques sacrifices imposés par la situation économique et les contraintes européennes. À la vérité, si la nouvelle présentation des dépenses budgétaires doit permettre de mieux appréhender les mouvements réels, les conclusions qu’en tire l’auteur de la question justifient nos craintes initiales. Ce qu’on attend de la réforme c’est « l’émergence d’une culture de résultats et de performances » et la rémunération au mérite des responsables des programmes.

 Où est l’intérêt général, le sens du service public dans cette affaire ? Quels sont les indicateurs pour mesurer l’efficacité de la dépense publique ?

 Si l’on appelle la culture des résultats et de performances le démantèlement progressif des services publics, qu’on le dise, et clairement ! Mais cela justifiera, a posteriori, notre méfiance !

 Quel critère pour évaluer l’efficacité de la mission « éducation » : la proportion d’enseignants par rapport aux élèves ? Le nombre de diplômes ?

 Les fonctionnaires ne s’y trompent guère, qui contestent ces conceptions libérales de l’action publique, ils vous l’ont bien montré l’an passé ! La rémunération spécifique des 180 gestionnaires de programmes, ensuite, n’est pas excessive, ce sont les deux millions de fonctionnaires qui ne sont pas payés à leur juste valeur !

 La situation des comptes publics est critique : la dette publique atteint mille milliards d’euros, c’est dire qu’elle explose. La mise sur le marché du P.E.R.P. participe de cette orientation, puisque le traitement réservé à l’épargne concernée (et notamment le fait qu’elle soit bloquée) permettrait a priori de capitaliser une bonne partie de la dette publique sur les engagements pris par les banques et compagnies d’assurance qui géreront le nouveau produit.

 La semaine dernière, le gouvernement a annoncé des gels budgétaires, qui préfigurent des annulations de crédits, pour un montant de sept milliards d’euros, ce n’est pas rien. Je relève pour 2004 au titre des mesures nouvelles 5,3 milliards d’euros allouées aux « moyens des services » et « interventions publiques » en plus des efforts demandés à la défense, c’est la quasi totalité des mesures nouvelles des ministères civils qui est menacée ! Dans cette logique, pas de sanctuaire, toute l’action publique est concernée : est-ce répondre aux attentes de nos concitoyens ?

 En quoi consiste le prétendu courage budgétaire du gouvernement ?

 Des fermetures d’écoles primaires en zone rurale, moins de dépense d’action sociale, du retard dans la mise en chantier des logements sociaux, l’interruption des travaux d’aménagement de voirie, le ralentissement des procédures de classement des sites protégés, la réduction progressive de l’implantation des services publics dans les villes et les campagnes…

 M. MARINI, rapporteur général. - Creusez le déficit, c’est la seule ressource que vous connaissez !

 Mme TERRADE. -… le pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui stagne, moins de postes aux concours de recrutement, la remise en cause du droit à réparation des anciens combattants, moins de soutien à la création artistique vivante, au développement des activités physiques et sportives, à la lutte contre l’exclusion…

 M. MARINI, rapporteur général. - C’est tout ?

 Mme TERRADE. - Je pourrais continuer la liste ! Pas un jour sans que des associations, des élus, des citoyens constatent les dégâts provoqués par le désengagement de l’État ! Est-ce un progrès, que l’État renie la parole donnée ? Nous le disions dès 2001 : la L.O.L.F. est directement liée à la construction d’une Europe libérale et au rôle essentiel confié à la Banque centrale européenne !

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