Développement des territoires ruraux : massifs montagneux

Développement des territoires ruraux : massifs montagneux (Flambo - https://www.pexels.com/fr-fr/@flambo-388007)

par Annie David

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

« La montagne est une partie essentielle du pays dont il faut assurer la continuité avec le reste du territoire national. »
Tels sont les propos du rapporteur Francis Saint Léger lors de l’examen de ce texte à l’assemblée nationale.

Je me réjouis de cette reconnaissance, tout en regrettant que celle-ci ne se soit pas mieux concrétisée dans le présent texte, qui reste très frileux quant aux moyens qui lui sont accordées, comme l’a déjà dénoncé mon ami Gérard Le Cam, et les gels de crédits annoncés récemment ne vont rien arranger !

Bien sûr, le passage à l’Assemblée Nationale a permis d’enrichir quelque peu votre texte sur la partie « montagne », Monsieur le Ministre, puisqu’il y avait initialement 4 articles à ce sujet ! Mais, par rapport aux attentes, concrétisées par la richesse de la proposition de loi déposée l’été dernier par les élus de l’ANEM, le bilan est somme toute mitigé.

D’autant que la commission des Affaires Economiques du Sénat, par plusieurs amendements, revient sur les quelques avancées obtenues par les députés.

Toutefois, malgré les amendements de Monsieur Emorine, les objectifs généraux de la politique de la montagne restent inscrits dans le texte, et font apparaître de façon emblématique la notion de « développement équitable et durable », pour reprendre une partie de l’article 62.

Quant à la reconnaissance de sa spécificité par la mise en œuvre des politiques de massifs, il est dommage que votre gouvernement n’ait pas suivi les propositions des élus de nos montagnes, celles inscrites dans le texte de loi dont je vous parlais il y a un instant, et celles déposées à l’assemblée nationale. En effet, bien peu d’amendements déposés par les élus de l’ANEM lors du passage dans cette assemblée ont été retenus, ceux ayant des incidences financières n’obtenant pas l’aval du ministère des finances, et ceux affirmant la spécificité montagne étant repoussé d’un revers de manche !

Par ailleurs, les quelques mesures obtenues accordent des possibilités d’interventions nouvelles aux collectivités, mais ne sont pas compensées par l’Etat. Ce ne sont pas celles que j’aurais privilégiées.

Quelques avancées concernent les saisonniers, elles seront les bien venues pour ces salariés qui, pour une partie d’entre eux en tout cas, les « non locaux », éprouvent de grandes difficultés à faire respecter leurs droits les plus élémentaires du travail.
Le pastoralisme est à peine abordé, et la formation des bergers totalement ignorée, c’est la raison pour laquelle je vous proposerai 2 amendements à ce sujet. Mais je ne vais pas vous faire une liste exhaustive des points négatifs ou positifs du texte, nous en débattrons tout au long de cette discussion.

Toujours est-il que la prise en compte des réalités du terrain, et surtout de leurs diversités d’un territoire à l’autre, a du mal à se matérialiser. Pourtant, les enjeux que renferment ces territoires, qu’ils s’agissent des zones de revitalisation rurale ou des territoires de montagne, sont loin d’être négligeables, notamment du point de vue de leur patrimoine naturel.
Alors même que s’inscrit dans votre texte la notion de développement équitable et durable, il serait logique que la qualité des espaces naturels et la densité de population constituent des critères de base pour l’affectation des dotations aux collectivités et que le concept de « spécificité montagne » soit enfin reconnu !

Dès à présent, le « massif » doit se positionner sur le plan européen, et je ne partage pas l’analyse de la commission économique à ce sujet, je ne voterai donc pas l’amendement que nous soumettra Monsieur Emorine au cours de la discussion, je regrette même qu’il revienne sur le texte adopté à l’Assemblée.

Enfin, le Conseil National de la Montagne est appelé à jouer un rôle important et nouveau, de par la reconnaissance des objectifs généraux de la politique de la montagne, inscrite dans ce texte, et notamment pour le « développement équitable et durable » ; pourquoi alors n’avoir pas donné la possibilité aux acteurs locaux de la vie de nos massifs de réellement prendre en main leur destinée ?

Par ailleurs, Monsieur le Ministre, mais cela fera l’objet d’un autre texte, la réflexion en cours sur la taxe professionnelle ne fait qu’ajouter aux inquiétudes des élus locaux, qui constatent déjà le désengagement de l’Etat dans certaines compensations fiscales acquises auparavant.

J’en reviens maintenant à la proposition de loi de modernisation et de renouvellement de la politique de la montagne déposée par les sénateurs de nos massifs, dont je fais partie, elle avait pour but, en cohérence avec la philosophie définie de façon unanime en 1985 par les deux assemblées, le renforcement des responsabilités et de la capacité des populations, collectivités et organisations de montagne à prendre en mains leur destin, cette nouvelle capacité devant être mise au service d’un développement équitable et durable de la montagne.
Monsieur le Ministre, vous qui êtes un élu de nos massifs, pourquoi ne pas l’avoir mise en discussion, cette proposition de loi, en y apportant vos amendements ? Pourquoi avoir préféré la noyer au sein de ce texte alors qu’aujourd’hui, la loi montagne existe, mais qu’elle ne donne plus entièrement satisfaction ? Vous avez manqué l’occasion qui vous était donnée de la moderniser, de reconnaître cette spécificité que nous demandons en toute légitimité.

Ainsi, je m’attacherai, pendant la discussion de ce texte, à faire valoir cette spécificité montagne, à mettre en avant tout l’enjeu de la diversification des activités de nos massifs, qu’elles soient économiques ou touristiques, environnementales, culturelles, sociales, sanitaires, au-delà de l’urbanisation à outrance. Je vous dirai aussi comment nos forêts de montagne ne sont pas « rentables » d’un point de vue strictement économique mais combien elles sont indispensables à nos concitoyens et à nos villes, comment les communes stations de moyenne montagne ont besoin du soutien des grandes agglomérations car elles subissent un surcoût d’aménagement qui profite à toutes nos collectivités. Je vous parlerai encore du rôle citoyen important que jouent nos territoires par les classes vertes, les classes de découvertes, l’aménagement durable et équitable de notre pays, du rôle primordial des éleveurs et de leurs troupeaux dans nos alpages, de la difficulté de vie des saisonniers et enfin de la particularité pour les montagnards de vivre dans nos massifs, confrontés qu’ils sont à la désertification des services publics, et notamment ceux de l’éducation nationale !

Finalement Monsieur le Ministre, votre texte est habillé de belles promesses mais dépouillé des moyens nécessaires ! Il doit dès à présent être étayé par une volonté politique indéfectible, par des ressources appropriées et des mesures durables !
Le concept de développement durable et équitable ne doit pas seulement être inscrit, même de façon emblématique, dans votre texte, il doit maintenant être mis en œuvre !

Et votre boite à outils, qui doit être « pragmatique et pratique », vous avez dit, or, Monsieur le Ministre des affaires rurales, doit, à cet effet, contenir des outils performants et correspondant aux besoins ! Encore faut-il que ceux qui auront à les utiliser, c’est-à-dire les acteurs locaux du développement de nos territoires, tant ruraux que montagneux, en aient le mode d’emploi !

Mais, ne pouvant développer davantage j’en resterai là, en vous assurant de ma vigilance durant cette discussion quant à la prise en compte de la spécificité de nos territoires de montagne.

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