Les abeilles constituent un maillon clé de l’équilibre des écosystèmes

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à remercier Joël Labbé d’avoir présenté cette proposition de résolution commune, à laquelle nous nous sommes volontiers associés.

Je vous confirme qu’il ne vous propose pas de faire la révolution. Permettez-moi, pour vous en convaincre, de vous donner lecture de la fin de la proposition de résolution :

« Considérant que la France a joué un rôle déterminant dans la protection des pollinisateurs au niveau européen, et qu’il lui appartient de poursuivre cette action,

« Considérant que la protection des pollinisateurs, de l’environnement et de la santé humaine et que la préservation des rendements agricoles sont une impérieuse nécessité,

[Le Sénat]

« Invite le Gouvernement français à agir auprès de l’Union européenne pour une interdiction de toutes les utilisations de ces substances néonicotinoïdes tant que les risques graves pour la santé humaine, animale et l’environnement ne seront pas écartés. »

Vous le constatez, il ne s’agit pas du tout de prendre des initiatives strictement françaises. Vraiment, nous ne proposons pas de faire la révolution : nous proposons simplement d’œuvrer ensemble pour faire avancer cette cause.

Depuis de nombreuses années déjà, les sénateurs de mon groupe, comme bien d’autres, alertent les pouvoirs publics au sujet de l’incidence de nombreux pesticides sur les pollinisateurs. Nous avons demandé à plusieurs reprises l’interdiction du Gaucho et du Régent TS qui a fini par être décidée après que tout le monde eut admis la particulière nocivité de ces produits. On peut citer aussi le cas du Cruiser OSR.

Comme nombre de ceux qui participent à ce débat, je fais partie du comité de soutien des élus à l’abeille et aux apiculteurs. Nous pensons que la défense des abeilles est essentielle pour le développement de la biodiversité. C’est pourquoi j’ai cosigné, avec certains membres de mon groupe, la proposition de résolution soumise à notre examen.

Comme je l’ai expliqué en 2012 au cours de la discussion d’une question orale avec débat sur la lutte contre la prolifération du frelon asiatique, les abeilles, indispensables à la pollinisation des fleurs, forment un maillon essentiel de la chaîne qui contribue à maintenir l’équilibre des écosystèmes. Elles jouent un rôle primordial dans les diverses phases de la vie de nombreuses espèces végétales et animales. Par ailleurs, l’abeille mellifère est le seul insecte dont l’homme consomme la production : miel, pollen, propolis et gelée royale.

De plus, l’abeille et les pollinisateurs sont indispensables à la biodiversité et aux rendements des cultures agricoles. De fait, comme M. Labbé l’a fait remarquer, la valeur économique de la pollinisation se chiffre à plus de 150 milliards d’euros par an.

Certes, comme M. Miquel l’a souligné, les populations de pollinisateurs doivent faire face à de multiples menaces : frelon asiatique, produits phytosanitaires, maladies des ruches, pression urbaine, dégradation de l’habitat, climat, développement de la monoculture. Là est toute la difficulté : il n’y a jamais un seul facteur. (M. le ministre acquiesce.) Toutefois, il est aujourd’hui essentiel de faire un premier pas et d’interdire ce type d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes.

Le plus grave est que l’un des principaux modes d’application de ces substances consiste à en enrober les semences avant leur mise en terre. La plante sécrète alors le toxique tout au long de sa vie, de sorte que le traitement n’intervient pas ponctuellement : il est permanent et transforme des millions d’hectares de grandes cultures en champs insecticides.

Cette proposition de résolution est d’autant plus importante que le Parlement européen a adopté, le 11 mars dernier, un texte, certes sans valeur contraignante, qui préconise de revenir sur la restriction de certains insecticides néonicotinoïdes actuellement en vigueur dans l’Union européenne. De toute évidence, il faudrait au contraire interdire tous ces produits, tant que les risques graves pour la santé humaine et animale et pour la biodiversité ne seront pas écartés, conformément au principe de précaution inscrit dans la Charte de l’environnement.

Cette proposition de résolution est d’autant plus importante aussi que la restriction européenne entrée en vigueur le 1er décembre 2013 est contestée devant la Cour de justice de l’Union européenne, fait guère étonnant, par deux fabricants de produits néonicotinoïdes, Syngenta et Bayer AG, bien que le thiaméthoxam et l’imidaclopride aient été épinglés par l’Autorité européenne de sécurité des aliments pour le risque qu’ils font peser « sur le développement du système nerveux humain ».

Si cette proposition de résolution n’était pas suivie d’effet, nous pensons qu’il serait impératif que la France fasse jouer la clause de sauvegarde. Je signale que cette clause est également prévue à l’échelon de l’Organisation mondiale du commerce : l’article 5 de l’accord sur l’agriculture permet à tout État membre de prononcer une interdiction de mise sur le marché de produits contenant des molécules néonicotinoïdes, même si cette mesure porte atteinte à la libre circulation des marchandises et des services.

De fait, comme le rappelle l’exposé des motifs de la présente proposition de résolution, très complet et fondé sur de nombreuses études scientifiques, ces néonicotinoïdes ont une incidence sur les pollinisateurs, l’environnement et la santé humaine. C’est pourquoi nous invitons le Sénat à voter la proposition de résolution !

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