Exécution des peines prononcées par le TPI pour le Rwanda

Exécution des peines prononcées par le TPI pour le Rwanda (Artem Beliaikin - https://www.pexels.com/fr-fr/@belart84)

par Hélène Luc

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Voilà 10 ans, l’horreur s’abattait sur le petit pays aux milles collines, jetant dans la tourmente et le chaos un peuple et une nation tout entière. 3 mois de massacres, plus de 800000 morts, en grande majorité issus de l’ethnie tutsi, et 10 ans après un deuil qui n’est toujours pas fait, des responsabilités qui restent à prendre, à reconnaître.

Pourtant, ce drame aurait pu être évité. Des signes avant coureurs étaient apparus dès l990 et nourrissaient des racines bien plus lointaines encore. Un petit rappel historique et de mémoire s’impose. Il faut en effet se rappeler qu’en 1959, plus de 300000 tutsis avaient été chassés du Rwanda. C’est au nom de ces derniers qu’en 1990 le Front patriotique Rwandais, le FRP, engageait des combats réclamant leur retour. Chaque avancée du FRP se traduisait déjà par des tueries et représailles de la part du gouvernement en place.

La communauté internationale, au sein de l’ONU, mais également les anciens pays historiquement attachés au Rwanda, dont font partie la France et la Belgique, n’ont pas pris ces alertes à leur juste valeur, les sous-estimant parfois, fermant les yeux à d’autres reprises, apportant semble t-il un soutien technique et logistique à d’autres moments.

En août 1993, intervenait la signature d’un accord de paix suscitant un enthousiasme limité. Dans les proches les années qui ont suivi ce génocide, la reconnaissance des faits et des responsabilités n’a pas emporté un consensus général bien au contraire. Chacun, gouvernement rwandais et autorités et pays internationaux ont refusé de reconnaître leur part de responsabilités respectives.

Quel est le constat aujourd’hui ? Sur 8 millions d’habitants, 82474 étaient détenus à la fin du mois de décembre dernier, soit un rwandais sur 10. 70639 qui l’était pour accusation de génocide et 22848 étaient passés aux aveux pour bénéficier de réduction de peine, mises en place par le gouvernement.

Ces chiffres me permettent ainsi d’en venir au projet de loi qui nous est présenté à savoir la mise en place d’une justice opérante.

Cette dernière se fait à deux niveaux :

Le premier, concerne les tribunaux rwandais. En 1996, était votée la loi sur le génocide. Un an plus tard, intervenaient les premiers procès des tribunaux rwandais. Plus de 100000 personnes ont pu être ainsi détenues dans les prisons, provocant une lenteur de la justice, poussant le gouvernement à avoir recours à une autre forme de juridiction intermédiaire entre justice classique et traditionnelle, à savoir les gacaca (« gaxaxa »).

Le deuxième niveau, concerne le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), sur lequel porte le projet de loi qui nous est aujourd’hui présenté. Crée dès la fin de 1994 par le Conseil de sécurité de l’ONU, il a pour objet de juger les responsables du génocide ainsi que toute personne responsable « d’autres violations flagrantes, généralisées et systématiques du droit international humanitaire ». Force et de constater, les dysfonctionnements de cette juridiction dès sa création, accusée de lenteur, disfonctionnements ou encore de mauvaise gestion.

En 2002, dans un rapport, la FIDH écrivait : « la communauté internationale se désintéresse du TPIR, en raison notamment du manque d’informations fiables. L’image d’inefficacité et de gaspillage du TPIR subsiste, en dépit des efforts consentis ces dernières années. »

En effet, depuis 2002, le TPIR tente de redorer son blason conformément aux nouvelles directives données par le conseil de sécurité notamment au vu du démantèlement de ce dernier qui devra intervenir en 2010.

Avec ce projet de loi, nous franchissons un cap supplémentaire puisque la France est le premier pays à contracter un tel accord de coopération judiciaire. A ce titre, et dans un souci de permettre une meilleure effectivité du TPIR, le groupe communiste républicain et citoyen ne peut que s’associer à ces dispositions et nous formulons le souhait que le champ des personnes traduites devant le tribunal soit enfin élargi à tous ceux, sans distinction, qui ont pris part au génocide.

Le Rwanda retrouve aujourd’hui un semblant de paix mais la question douloureuse de la mémoire individuelle et collective reste prégnante, tout comme les tensions difficiles à effacer. Les horreurs du génocide occupent toujours la vie quotidienne des rwandais. Les procès, la mise à jour de charniers, en sont encore le lot journalier. Le travail de deuil n’est pas fait, il faut en être pleinement conscient. Les commémorations de cette année, 10 ans après, en sont l’exemple flagrant. Les tensions apparues entre le Rwanda et la France, offrant au grand jour ces plaies béantes dont la cicatrisation ne se fait pas, doivent nous faire réfléchir et agir.

Avant de finir mon propos j’aimerais faire une parenthèse à propos du SIDA. Déjà dans les années 80, le Rwanda figurait parmi les pays les plus touchés par cette épidémie. Utilisé comme outil de guerre lors du génocide, le viol a été un facteur de propagation aggravée. Je formule alors le souhait que la communauté internationale et la France en particulier se mobilisent activement sur cette question. Le SIDA est un enjeu d’avenir pour l’Afrique et pour ce pays en particulier. Nous devons faire en sorte qu’il soit un enjeu de vie et non pas un enjeu de mort.

Vous l’avez compris, Monsieur le Ministre, la France doit ainsi s’impliquer dans le difficile travail de mémoire engagé par le Rwanda, elle y a sa part. Ce projet de loi peut avoir vocation d’y participer mais il faut plus encore et sans aucun doute savoir reconnaître ses erreurs. Pour encourager cette implication de notre pays, le groupe communiste républicain et citoyen votera ce projet de loi tout en restant vigilant sur son application effective et sur l’implication de notre pays pour aider le Rwanda à se reconstruire tant au plan matériel qu’au plan moral et humain.

Retour en haut