Pas la solution pour répondre à la baisse du pouvoir d’achat des personnes aux revenus modestes

Pas la solution pour répondre à la baisse du pouvoir d'achat des personnes aux revenus modestes - Loi Macron : article 2

L’article 2 du projet de loi procède à la libéralisation des services de transport de personnes par autocar.

Tout d’abord, cette ouverture totale à la concurrence n’est pas la solution pour répondre à la baisse du pouvoir d’achat des personnes aux revenus modestes.

Il est vrai qu’un grand nombre de nos concitoyens n’ont plus les moyens de s’acheter des billets de train. Cependant, la libéralisation du transport de voyageurs par autocar et la baisse des prix du voyage que vous mettez en avant n’est pas une réponse. Au contraire, elle fragilise les outils de solidarité et d’aménagement du territoire existants. Le service public n’est pas fait pour être rentable financièrement : il faudra bien l’affirmer un jour ! Il constitue l’ensemble organisé de moyens matériels et humains mis en œuvre par l’État ou par une autre collectivité publique pour satisfaire un besoin d’intérêt général.

Il conviendrait de mettre en œuvre des politiques qui assurent un meilleur partage de la richesse. Le seul et vrai problème, c’est le niveau de revenus des familles eu égard, notamment, au coût du logement, mais aussi des transports. Si les familles avaient des revenus décents, elles pourraient payer leurs factures d’eau, d’énergie, de transport, etc.

Au lieu de cela, on multiplie les aides, les fonds de solidarité en complément des aides apportées par les associations solidaires. Ça suffit ! On retire tout sens au travail et toute dignité aux individus. Je le dis ici : c’est un système complètement pervers – et nous sommes en train de nous en accommoder.

Il faut ajouter que, si le prix d’un billet d’autocar est moindre, c’est parce que le temps de trajet est fortement augmenté par rapport au train. C’est ce que dit clairement l’Autorité de la concurrence dans une enquête sectorielle sur les avantages du transport interrégional par autocar publiée en février 2014. Une étude réalisée en Allemagne – alors que la libéralisation totale a eu lieu en janvier 2013 – le montre également.

Ainsi, pour se rendre de Hambourg à Berlin, villes distantes de 300 kilomètres, il en coûte 24 euros en autocar et 77 euros en train, à condition d’accepter une durée de voyage de trois heures vingt en car contre une heure trente-huit en train. On réinvente la troisième classe pour les pauvres ! (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.) Peut-être certains d’entre vous s’en souviennent-ils.

Mme Nicole Bricq. Oui !

Mme Évelyne Didier. Pour avoir personnellement voyagé dans des voitures de troisième classe, je sais ce que cela veut dire.

Mme Nicole Bricq. Moi aussi !

Mme Évelyne Didier. De plus, si les usagers qui empruntent le train paient une partie des dépenses d’entretien des infrastructures et désormais une partie de la dette, le transport par la route nécessite également que des dépenses d’entretien des infrastructures routières soient engagées. Ce n’est pas le voyageur, mais le contribuable qui paie aujourd’hui l’entretien du réseau routier. Or la multiplication des autocars sur les routes entraînera une hausse de ces dépenses. Une fois encore, les collectivités territoriales, les contribuables seront sollicités.

Par ailleurs, dans le cadre de cette libéralisation, on sait que les compagnies vont se positionner prioritairement sur les segments de marchés les plus rentables, madame Assassi l’a dit, comme cela s’est d’ailleurs produit pour le fret ferroviaire. Cela permettra aux grands groupes de transport, y compris la SNCF, avec sa filiale iDBus, de concurrencer les trains express régionaux, les TER ou les trains d’équilibre du territoire, les TET, voire les trains à grande vitesse, les TGV. On risque d’assister à l’abandon de certaines lignes ferroviaires au mépris de l’aménagement du territoire, et surtout à l’abandon d’un patrimoine exceptionnel que tous les pays nous enviaient : notre réseau ferroviaire.

C’est ce qui se dégage de la commission Duron. Ainsi, sur les dessertes assurées par les trains d’équilibre du territoire – trains Intercités, TEOZ et trains de nuit – les lignes pourraient être réduites de trente-cinq à douze et celles restantes pourraient ne plus desservir les gares des petites et moyennes villes. Des arrêts intermédiaires seraient également supprimés : donc, on amoindrit la consistance du service. Or, vous le savez bien, la fermeture d’une ligne ferroviaire est irréversible. Et à force de ne rien faire, le réseau disparaît. En 1997, il y avait des ralentissements sur 300 kilomètres du réseau, aujourd’hui ces ralentissements concernent 3 000 kilomètres.

En d’autres termes, l’article 2 emporte des conséquences que nous ne pouvons pas prendre à la légère dans la mesure où nous allons vers une balkanisation du système ferroviaire et sa disparition sur la majeure partie du territoire national. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les cartes que l’on nous prépare.

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