Un article qui favorise la stratégie du fait accompli et la violation délibérée des règles d’urbanisme

L’article 29 du projet de loi restreint à certaines zones limitativement énumérées la possibilité de démolir des constructions édifiées sur le fondement d’un permis de construire dont l’annulation a été prononcée. En outre, il réduit de deux ans à six mois après l’annulation définitive du permis de construire par le juge administratif le délai au cours duquel l’action en démolition peut être engagée.

Certes, le délai de deux ans sera maintenu pour les zones sensibles, dont la liste a été étoffée par la commission spéciale. L’article, dans son principe, n’en paraît pas moins difficilement acceptable, en ce qu’il favorise la stratégie du fait accompli et la violation délibérée des règles d’urbanisme.

En effet, la pression foncière ne s’exerce pas seulement sur les zones protégées et les centres-villes historiques ; elle se fait également sentir à la périphérie des grandes villes, notamment dans toute la banlieue parisienne. Or, si l’article 29 dans sa rédaction actuelle était adopté, plus aucune démolition ne pourrait être prononcée à la demande des voisins, en milieu urbain comme en zone rurale, dès lors qu’un permis de construire aurait été obtenu et respecté, quand bien même il serait attaqué dans les délais et finalement annulé.

De plus, ni l’exposé des motifs du projet de loi ni son étude d’impact ne font état de la moindre donnée statistique sur le contentieux, ce qui n’aide guère à apprécier l’impact de celui-ci sur le sort des constructions

Enfin, cet article s’inscrit dans un ensemble de mesures de réécriture, voire de régression du droit de l’environnement, comme le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale l’a lui-même fait observer.

Pour nous, le contrôle social sur le droit de l’urbanisme est une condition importante du respect de celui-ci, dans la mesure où le contrôle de légalité, on le sait bien, est très insuffisant.

Certes, des dommages et intérêts pourraient toujours être réclamés au constructeur dont le permis a été annulé, mais ce constructeur se trouverait en situation d’acheter, en quelque sorte, la violation d’une règle fondamentale de l’urbanisme en indemnisant ceux qui en subissent les conséquences. En d’autres termes, dès lors que le bénéfice tiré de la construction excéderait les dommages versés, le non-respect de la règle d’urbanisme serait pour ainsi dire profitable.

Pour nous, cet article fait peser une menace sur ce qui a pu être appelé l’« environnement ordinaire », qu’il soit urbain ou rural ; il n’est pas neutre pour le maintien du cadre de vie. C’est pourquoi nous en proposons la suppression.

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