Vous proposez de servir sur un plateau au secteur privé ces biens publics fondamentaux que sont les aéroports de Nice et de Lyon

Vous proposez de servir sur un plateau au secteur privé ces biens publics fondamentaux que sont les aéroports de Nice et de Lyon - Loi Macron : Article 49

J’irai dans le même sens que Mme la rapporteur, ce qui est plutôt rare…

Il y a dix ans, les autoroutes françaises ont été vendues pour 15 milliards d’euros, ce qui entraîné une perte de 1 milliard d’euros par an au titre des dividendes rémunérant les participations de l’État. Sept années après la privatisation, les dividendes versés par les seules sociétés concessionnaires d’autoroutes privatisées se sont élevés, dividendes exceptionnels inclus, à 14,9 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, cet article représente une faute politique grave, et je pèse mes mots. Au travers de l’article 49, vous proposez de servir sur un plateau au secteur privé ces biens publics fondamentaux que sont les sociétés gestionnaires des aéroports de Nice et de Lyon. Vous envisagez la mise en vente de deux des trois plus grands aéroports que compte notre pays, dans le but de rendre une copie propre à Bruxelles, qui exige de vous des réformes libérales.

Les deux aéroports dont vous proposez la vente sont rentables. Les chiffres sont clairs à cet égard ; Mme la rapporteur vient d’en citer quelques-uns. La lecture des comptes annuels de ces deux sociétés nous apprend qu’elles ont réalisé des résultats nets positifs de l’ordre de 10 millions à 13 millions d’euros annuels.

Ces résultats permettent des investissements supplémentaires, qui créent de l’emploi. Ils permettent le versement de dividendes à la collectivité, qui a pu, ainsi, investir dans l’aéroport. Ils permettent également à la structure de renforcer sa solidité financière, au bénéfice de la collectivité. Enfin, ils permettent un développement concerté de l’aéroport.

Aujourd’hui, vous nous proposez de tirer un trait sur ces bénéfices qui reviennent à la collectivité, à seule fin de réaliser une opération financière de court terme. En effet, ce qui tient lieu d’étude d’impact ne justifie nullement cette privatisation. Quel est l’intérêt pour l’État de privatiser un élément du patrimoine qui génère des recettes ? Rien, dans les éléments qu’apporte le Gouvernement, ne vient à l’appui de votre volonté de privatiser ces deux aéroports. Certes, de l’argent sera récolté, qui permettra d’éponger une dette aussi abyssale qu’illégitime. Mais votre démarche n’est pas inspirée par le souci de l’intérêt général. (M. Claude Raynal proteste.) Rien dans ce texte, et tout particulièrement dans cet article, ne répond aux préoccupations des citoyens et à leurs besoins.

Un aéroport n’est pas une infrastructure de transport comme une autre. Il s’agit d’un outil central de l’aménagement et de l’attractivité économique, industrielle et touristique d’un territoire. Il est indispensable de lui conserver une maîtrise publique.

Il s’agit d’ailleurs de deux aéroports dans lesquels de lourds investissements publics ont déjà été réalisés ou vont l’être, par le biais de prêts importants, accordés par la Banque européenne d’investissement.

Pourquoi priver aujourd’hui les collectivités et, plus globalement, les acteurs publics, de la gestion de ces aéroports, et donc de retombées économiques positives ? Ce sont encore des sociétés privées qui vont empocher des bénéfices faramineux, au détriment de l’État et des citoyens. D’ailleurs, on peut craindre pour les riverains et l’environnement en cas de développement tous azimuts de ces deux aéroports, déjà très importants.

Mais le pire est peut-être qu’il ne s’agit pas là d’un coup d’essai. Sans revenir sur l’exemple des sociétés concessionnaires d’autoroutes – tout le monde est d’accord pour dire que la privatisation a été une erreur –, on peut citer l’aéroport de Toulouse-Blagnac, qui sera dorénavant géré par un consortium sino-canadien. Tandis que le groupe chinois est massivement implanté dans les paradis fiscaux, le groupe canadien auquel il s’est adossé gère une quinzaine d’aéroports en France, alors qu’il a été radié pour dix ans par la Banque mondiale, pour des faits graves de corruption d’acteurs publics. Mais peut-être la présomption d’innocence doit-elle là aussi jouer…

Pour conclure, je veux, au nom du groupe CRC, en appeler à la raison. Il ne s’agit pas simplement d’une mesure de libéralisation supplémentaire. Ce que prévoit ce texte, c’est la vente organisée de biens communs, qui rapportent, chaque année, des sommes importantes, mais qui permettent aussi et surtout à la puissance publique de conduire sa politique sur tout le territoire, en conservant la maîtrise d’un secteur clé de l’économie.

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