Un détournement des gains de productivité du travail sous forme d’instruments financiers les plus divers

La « triangulation », cette attitude politique qui consiste à utiliser les thématiques de l’autre camp pour les détourner de leur objet « naturel » et à s’en servir pour renforcer son propre camp, trouve quelque illustration avec cet article 34, qui concerne l’épargne salariale.

Le Gouvernement nous propose de revisiter de fond en comble l’ensemble des problématiques de l’épargne salariale, de la détention du capital de l’entreprise par les salariés, de l’intéressement, de la participation et de l’épargne-retraite.

Nous attendions, entre autres, une démarche volontariste en direction du secteur bancaire, qui n’est pas toujours convaincu du bien-fondé de soutenir l’effort d’investissement des sociétés dites « non financières », mais qui est toujours aussi attentif à la « tenue de marché » et au rendement de produits dérivés, de plus en plus tentants dans un marché obligataire quelque peu souffreteux ces temps-ci.

Nombre de mesures sont destinées à assurer le financement de l’économie, non par mobilisation du secteur bancaire, pourtant favorisé par les récentes initiatives de la Banque centrale européenne, mais par sollicitation et détournement des gains de productivité du travail sous forme d’instruments financiers les plus divers. Le contenu de l’article en témoigne.

Il s’agit clairement ici de substituer à la légitime revalorisation des rémunérations, qui est éventuellement liée au développement de l’entreprise, une politique de distribution d’actions gratuites, qui sont représentatives d’une sorte de hausse des salaires potentielle et se traduisent en plus-values latentes, donc, de fait, en niches fiscales et sociales.

Bien entendu, les actionnaires recherchent la rentabilité financière de l’investissement de départ.

Les entreprises concernées sont les entreprises dites « de la nouvelle économie », les « incubateurs d’entreprise », où l’espace des bureaux est largement ouvert, dans une proximité qui encourage évidemment à la promiscuité, ces sociétés en devenir, où il vous arrive de rester à votre poste de travail jusqu’à vingt-deux heures, voire bientôt le dimanche si nous en décidons ainsi !

Dans ces entreprises, le développement est l’affaire de tous. Tout le monde est sur le même bateau. Le problème, et nous l’avons constaté à plusieurs reprises, c’est que les entreprises de cette « nouvelle économie » sont parfois positionnées sur des créneaux tellement étroits que leur chute est aussi rapide que ne l’avait été leur ascension.

De fait, la question de la distribution des actions gratuites et de leur « potentiel » de rémunération est clairement posée sur la durée. Il suffit ainsi d’observer l’évolution du marché du renseignement téléphonique entre son ouverture à la concurrence et aujourd’hui.

Une action gratuite valant 100 euros et revendue 12 euros quatre ou cinq ans après n’est pas d’un grand intérêt pour le salarié sur la durée !

Vous le savez, nous sommes très réservés et lucides sur le mythe d’un système partagé, où des intérêts contradictoires se fondraient dans une espèce d’« eldorado » commun.

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