Le travail du dimanche doit demeurer une exception

Le travail du dimanche doit demeurer une exception - Loi Macron : Article 71

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous abordons le volet du projet de loi consacré à l’élargissement des conditions du recours au travail le dimanche.

Vous le savez, nous sommes opposés à ces dispositions. Nous considérons en effet que le travail du dimanche doit demeurer une exception. Nous ne souhaitons donc pas que plus de salariés travaillent ce jour-là. Je rappelle en effet qu’ils étaient déjà plus de 6,5 millions à le faire en 2011, selon les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, et que le travail du dimanche est une mesure dérogatoire au code du travail.

Il y a donc, selon nous, une certaine hypocrisie à affirmer que le travail dominical doit demeurer une exception et à ouvrir dans le même temps cette possibilité à près d’un quart des dimanches de l’année, soit un dimanche par mois, voire à tous les dimanches de l’année et à une partie de la soirée pour les futures zones d’intérêt touristique.
Le repos dominical est un acquis social essentiel, un vecteur de cohésion sociale qui ne peut être mis sur le même plan qu’un hypothétique « droit à consommer » – hypothétique, oui, car il n’a échappé à personne que le pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens est en berne, y compris celui des salariés qui acceptent de travailler le dimanche pour améliorer leur salaire, actuellement très bas. Or ce pouvoir d’achat, nous le savons tous, ne deviendra pas extensible par la seule ouverture des commerces le dimanche !

Pour justifier cette banalisation du travail du dimanche, on argue que les consommateurs seraient en quelque sorte avides de faire les magasins le dimanche, lesquels deviendraient alors un lieu de promenade. On prétend également que les touristes étrangers fortunés seraient empêchés d’arpenter le dimanche les grands magasins du boulevard Haussmann ou les boutiques du boulevard Saint-Germain ou des Champs-Élysées.

On parle peu, en revanche, des salariés qui se verront privés de leur repos dominical. Les rapports des commissions spéciales de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont d’ailleurs très peu penchés sur les conséquences de ces dispositions en matière d’organisation sociale et familiale.

Or une note de la DARES sur le travail du dimanche, parue en 2012, le souligne : « Travailler le dimanche va presque toujours de pair avec le travail du samedi, et souvent avec des horaires tardifs ou variables d’une semaine à l’autre ».

Les femmes, très présentes dans le secteur du commerce de détail, secteur où le temps partiel subi est très développé, seront donc particulièrement concernées. Or, nous le savons, les charges des familles monoparentales, lesquelles sont de plus en plus nombreuses – c’est un fait de société –, sont majoritairement assumées par des femmes, qui auront donc des difficultés pour faire garder leurs enfants.

Vous me direz, monsieur le ministre, que votre texte prévoit désormais que « l’accord fixe les contreparties mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants pour les salariés privés du repos dominical ». Encore faudra-t-il que ces salariés réussissent à trouver un mode de garde ce jour-là, une gageure compte tenu du manque de places de garde en France, singulièrement en Île-de-France.

Je ne partage pas non plus l’optimisme de Mme Anne Perrot, la présidente de la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité, pour qui – je cite les propos qu’elle a tenus lors de son audition devant la commission spéciale du Sénat – « on peut […] imaginer que cette mesure, contrairement à ce qu’on a beaucoup entendu ici et là, puisse être favorable au travail féminin et aux personnes qui n’ont qu’un emploi à temps partiel, celui-ci pouvant être complété ».

Le travail du dimanche comme remède à la précarité du travail des femmes, admettez, mes chers collègues, que c’est un comble ! Au travail du dimanche, nous préférons, nous, l’égalité salariale et la fin du temps partiel imposé.

Vous le voyez, monsieur le ministre, nous ne partageons pas votre vision idéalisée de ce texte, qui serait selon vous vecteur de progrès. Il revient en effet, au final, à ce que des salariés, employés dans un secteur déjà mal rémunéré et peu considéré, aient pour seul horizon, s’ils veulent voir progresser leur pouvoir d’achat, le travail du dimanche.

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