Porter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire » n’est pas qu’une question de chiffres

Porter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire » n'est pas qu'une question de chiffres - Loi Macron : Article 80

L’article 80 prévoit de porter de cinq à douze le nombre de dimanches où, sur décision du maire, les commerces de la commune peuvent être ouverts – il s’agit de ce que l’on appelle communément les « dimanches du maire » –, cette disposition ne s’appliquant pas aux secteurs d’activité bénéficiant déjà d’une dérogation permanente de droit au repos dominical, comme l’ameublement ou le bricolage, ou d’un régime spécifique, comme l’alimentation.

Porter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire » n’est pas qu’une question de chiffres. Cela signifie passer à une ouverture un dimanche par mois, soit d’une ouverture exceptionnelle à une ouverture régulière.

En outre, sur proposition de Mme la rapporteur, la commission spéciale a supprimé la disposition introduite à l’Assemblée nationale qui prévoyait que, dans les grandes surfaces alimentaires, trois jours fériés d’ouverture dans l’année devaient déduits des « dimanches du maire ». Le nombre d’ouvertures autorisées peut donc atteindre douze, en plus des jours fériés.

Or, bien que des contreparties soient accordées aux salariés travaillant les « dimanches du maire » – un salaire double et un repos compensateur –, travailler un dimanche par mois n’est selon nous pas acceptable.

À cet égard, je pense en cet instant aux salariées d’ED-Dia d’Albertville, que je suis allée rencontrer plus d’une fois sur le parking de leur magasin. Elles se sont opposées à leur direction deux années durant afin de ne pas travailler le dimanche matin. Elles souhaitaient – et je dis bien « elles », car ces salariées étaient toutes des femmes –, malgré leurs très faibles salaires, profiter de leurs dimanches pour voir leur famille et leurs amis, se livrer à des activités personnelles, qu’elles soient associatives, culturelles ou sportives, bref, avoir du temps pour elles.

Chacun s’accorde d’ailleurs à dire que les emplois dans le commerce provoquent fatigue et stress et que ces maux vont grandissants. Les salariés de ce secteur souffrent d’importants troubles musculo-squelettiques, les TMS, lesquels sont douloureux pour les hommes et les femmes qui les subissent. En outre, les conséquences économiques de ces troubles – cela vous intéressera, mes chers collègues, vous qui êtes soucieux de réaliser des économies dans le budget de la protection sociale – sont considérables : d’après l’assurance maladie, les TMS sont la première cause de maladie professionnelle.

À ces maux déjà importants s’ajoutera, pour bon nombre des salariés qui seront contraints de travailler le dimanche, la précarité économique et sociale.

Nous devons nous interroger sur le modèle de société que nous voulons : souhaitons-nous une société entièrement tournée vers le consumérisme, où aucun espace ni aucune temporalité n’échapperont aux activités marchandes ? Au contraire, voulons-nous préserver du temps pour la famille, l’amitié, la nature, en les mettant à l’abri – un jour sur sept seulement, mes chers collègues, puisqu’il s’agit uniquement de préserver le dimanche – de l’injonction de consommer ?

Bref, l’homme a-t-il été créé pour le commerce ou le commerce pour l’homme ?

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