Course à l’échalote libérale

Editorial paru dans le numéro 94 d’Initiatives, juin 2015.

On le savait, les ordres du marché sont des ordres avec lesquels on ne badine pas. La fameuse loi d’airain du Capital n’est pas qu’un fantasme. Cette loi apparaît au travers de textes législatifs comme le projet de loi Macron, ou le tout récent projet Rebsamen, avec une grande violence. Coup sur coup, en quelques semaines, le droit du travail a été lourdement attaqué au Parlement.

La Loi Macron, au milieu d’un fatras législatif indescriptible, c’est dès l’origine la généralisation du travail du dimanche, la facilitation du droit de licencier, la casse des prud’hommes. Au Sénat, la droite a accentué le recul social, avec parfois l’accord du gouvernement et, bien souvent face à son opposition molle : restriction du compte pénibilité, remise en cause des 35 heures, allongement des stages jusqu’à 12 mois, abaissement des seuils sociaux, création d’une commission de révision du Code du travail, redéfinition du « motif réel et sérieux » du licenciement, plafonnement des indemnités de licenciement, accords « offensifs » de maintien dans l’emploi, etc.

Bien sûr, la droite fait dans la surenchère, mais l’attitude complaisante d’Emmanuel Macron tout au long de ce débat, notée par tous les observateurs, est inquiétante pour l’avenir. Le gouvernement et son ministre se livrent à une véritable course à l’échalote libérale avec la droite. C’est à qui satisfera le mieux les exigences du MEDEF. L’axiome dominant est le suivant : les droits des salariés sont une charge pour les entreprises. Pour développer l’économie, il faut impérativement les réduire. Ces exigences, ce sont celles de la Commission libérale qui sévit à Bruxelles. Tout s’est joué lors de l’acceptation par François Hollande de la règle d’or budgétaire, du sacrifice de ce qu’il restait du modèle social français sur l’autel de la réduction dogmatique des déficits publics.

Le gouvernement a choisi de montrer patte blanche pour ne pas subir les foudres des contraintes financières européennes. Le pacte de compétitivité, le CICE, la Loi Macron sont les signes de l’adhésion à des objectifs économiques en contradiction totale avec les engagements du 6 mai 2012. La loi Macron et son libéralisme assumé ne sont pas encore votés que la loi Rebsamen entre en lice. Cette dernière propose notamment une délégation unique du personnel qui regrouperait délégués du personnel, comité d’entreprise et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Dans les entreprises de plus de 300 salariés, cela pourra être le cas également si tous les syndicats représentant plus de 50 % des voix dans l’entreprise sont d’accord…

Ces dispositions sont les plus marquantes d’un projet de loi qui répond en de multiples points aux exigences patronales. Elles réduisent considérablement les capacités d’intervention des salariés dans l’entreprise, y compris dans le domaine sanitaire. Qui aurait pu penser qu’un gouvernement se revendiquant de la gauche puisse rayer d’un coup de crayon des décennies de conquêtes des salariés de notre pays ? On est bien loin du temps où François Rebsamen, président du groupe socialiste au Sénat votait, en 2009 et 2010 les propositions de loi du groupe CRC visant à interdire les licenciements boursiers et à limiter le travail du dimanche.

Le gouvernement va droit dans le mur et entraîne la gauche avec lui. Il reste sourd aux avertissements des électeurs, déjà exprimés à quatre reprises depuis trois ans. L’accélération libérale décidée par François Hollande n’aura qu’une issue : le retour d’une droite revancharde au pouvoir flanquée du Front national. Ce dernier n’a d’ailleurs présenté qu’une opposition de façade à la loi Macron en cultivant là encore son absence tout au long des débats. L’urgence, c’est donc la construction d’une alternative à gauche, la fidèlité à ses valeurs et à son histoire.

Une gauche moderne, c’est le progrès social et la marche vers l’égalité. Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC s’opposent avec détermination à ces projets symboliques en proposant concrètement d’autres choix fondés sur une nouvelle répartition des richesses, et de nouveaux droits pour les salariés.

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