Disparition programmée de la démocratie et des services publics de proximité

Disparition programmée de la démocratie et des services publics de proximité - Projet de loi NOTRe

Courrier du 31 mars 2015 à Rose-Marie FALQUE, Présidente de l’Association des maires de Meurthe-et-Moselle

Madame la Présidente,

J’ai bien reçu votre courrier du 13 mars dernier relatif au vote en première lecture par l’Assemblée Nationale du projet de loi NOTRe, et je vous remercie de m’avoir fait part de votre point de vue.

En effet, le groupe CRC au Sénat a dénoncé largement cette loi NOTRe qui programme la disparition de la démocratie et des services publics de proximité, en plus d’aggraver les inégalités entre les territoires. C’est la défense d’une certaine idée de notre organisation territoriale qu’il est de notre devoir de préserver. Nous savons qu’elle est partagée par nos concitoyens et une majorité d’élus locaux. Face à un tel bouleversement, nous avions demandé d’engager un grand débat national, mais à aucun moment il n’a été envisagé de donner la parole à la population.

Il y a, depuis le début de cette réforme territoriale, une cohérence globale de l’ensemble des textes de loi : concentrer les pouvoirs locaux entre les mains des grandes intercommunalités, organiser l’évaporation des communes et des départements, renforcer les compétences des régions, restreindre la libre administration des collectivités territoriales, tenter de les hiérarchiser, réduire leurs ressources et mettre sous contrôle leurs dépenses. Sur chacun de ces points, notre désaccord est total. Et cette volonté n’est pas propre à cette majorité.

Comme nous ne cessons de le dire depuis le début, la réforme territoriale en cours poursuit et aggrave la mise en concurrence des territoires. Elle s’inscrit dans un contexte de réduction drastique des dotations de l’État – moins 28 milliards d’euros entre 2014 et 2017. Une réforme de la dotation globale de fonctionnement est d’ailleurs annoncée pour 2016 sans que nous n’en connaissions les orientations. Nous ne savons rien des moyens dont les collectivités locales disposeront pour mettre en œuvre leurs compétences.

Ce texte renforce la concentration des pouvoirs locaux au niveau régional et intercommunal, réduit les compétences des départements et les met sous la tutelle des régions dans un grand nombre de domaines. Certains transferts ne semblent pas justifiés puisque les départements ont démontré leur expertise par exemple en matière de routes et de transports scolaires. Le département, c’est l’échelon pertinent en matière de politiques sociales, de cohésion territoriale et sociale, et c’est aussi, au quotidien, le principal partenaire des communes, en particulier des communes rurales. Or, l’architecture proposée ne permettra pas une gestion efficace de l’action publique locale. Les compétences transférées nécessitent en effet une proximité que les nouvelles régions ne pourront assumer.

Nous réaffirmons l’utilité de chaque collectivité. Elles doivent disposer de compétences identifiées, mais non exclusives, d’outils de coopérations et de moyens pour agir en faveur de projets partagés. Elles doivent aussi avoir la possibilité d’intervenir quand les intérêts de leur territoire sont en cause. C’est pourquoi nous avons longuement défendu le maintien de la compétence générale aux régions et aux départements et nous continuerons de le faire alors même que ce projet de loi la supprime. Celle-ci reste, à nos yeux, inhérente aux lois de décentralisation, aux droits et libertés locales auxquelles nous restons attachés.

Le texte vise à réorganiser l’action publique, c’est-à-dire ses structures et ses procédures, pour parvenir à la réduction de la dépense publique et répondre aux ordonnances de Bruxelles. La réforme nous a ainsi été présentée comme un moyen de réaliser des économies à un niveau situé, dans un premier temps, entre 12 milliards et 25 milliards d’euros par an. Ces chiffres ont ensuite été revus à la baisse, au point que l’étude d’impact n’évalue plus précisément les économies attendues. Au contraire, plusieurs analyses, dont celle qui figure dans le rapport de la commission des finances du Sénat sur ce projet de loi, s’accordent désormais sur le fait que, à court terme, les transferts de compétences envisagés pourraient entraîner une augmentation des dépenses. Par ailleurs, le bénévolat des élus des communes petites et moyennes n’a pas été suffisamment pris en compte.

En ce qui concerne l’élargissement contraint des intercommunalités, le texte engage leur fusion à marche forcée, au mépris de la concordance des EPCI avec les bassins de vie. La fixation d’un seuil à 20 000 habitants est une incohérence. Elle est d’ailleurs critiquée de toutes parts, car c’est une mesure totalement déconnectée des réalités du terrain, à moins de considérer que la notion de bassin de vie n’est pas pertinente. Rappelons que la carte intercommunale issue de la loi de 2010 vient seulement de s’appliquer. La logique et le bon sens auraient voulu qu’on laisse le temps aux nouveaux EPCI de se mettre en place et de mettre en œuvre les compétences dont, pour la plupart, ils viennent d’hériter.
Le nouveau paysage intercommunal a besoin de stabilité. Les intercommunalités doivent demeurer des outils de coopération volontaire, fondés sur des projets partagés pour mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population, et non des outils d’intégration visant à la disparition des communes.

Pour finir, ce texte confirme en quelque sorte le vaste plan social qui se prépare dans nos collectivités territoriales, appelées à concentrer leurs services.

Aussi, pour toutes ces raisons, mes collègues du groupe CRC et moi-même défendront une plus juste organisation du territoire et l’intérêt notamment des communes lors des débats en deuxième lecture qui devraient se dérouler en juin prochain.

Vous remerciant de m’avoir sollicitée, je vous prie de recevoir, Madame la Présidente, mes sincères salutations.

Evelyne DIDIER

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