Comment accepter que l’argent de l’État finance le séparatisme scolaire ?

Mixité sociale et scolaire dans les établissements scolaires

Publié le 9 octobre 2024 à 08:40 Mise à jour le 11 octobre 2024

L’enseignement privé sous contrat est financé à 76 % par l’argent public sans véritable contrôle, sans transparence et sans conditions quant aux objectifs de mixité sociale.

Lors de son audition devant la commission de la culture, Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique, a déclaré que ses établissements assurent une mission de service public - certains d’entre vous considèrent qu’il est une des composantes du service public de l’éducation nationale. Pourtant, l’enseignement catholique ne le revendique pas !

Son statut, voté le 18 avril 2013 par la conférence des évêques de France, indique que le « caractère ecclésial de l’école est inscrit au coeur même de son identité d’institution scolaire ». Cette volonté de donner, à tous les élèves et dans toutes les matières, un enseignement fondé sur l’Évangile distingue radicalement l’école confessionnelle de l’école publique laïque, dont la mission est de délivrer des connaissances fondées sur la liberté de pensée, la libre recherche, les progrès de la raison et de la science, hors de tout dogme et de toute croyance, selon les mots de Condorcet de 1792.

Au reste, l’article L. 442-5 du code de l’éducation conditionne la conclusion du contrat d’association avec l’État au fait de dispenser un enseignement conforme aux programmes de l’enseignement public.

Jean-François Canteneur, directeur diocésain de l’enseignement catholique de Paris souligne cette aporie : « il va falloir dialoguer sur la notion de laïcité dans l’enseignement catholique ; aujourd’hui, l’État n’a pas la compétence pour juger de la qualité d’un enseignement religieux. » Quelle est la nature du « caractère propre » ? Se rapporte-t-il à tous les enseignements dispensés ou à la seule catéchèse ? Le financement de l’État et des collectivités doit-il se limiter au financement des matières du programme ?

La question est financière, mais aussi juridique, car une majorité de parents qui confient leurs enfants à ces écoles ne le font plus pour des raisons religieuses. Comment est-il possible de donner un enseignement catholique à des élèves qui ne le sont pas et avec des professeurs qui ne le sont plus ?

L’État et les collectivités versent plus de 15 milliards d’euros aux établissements privés, qui revendiquent pourtant une liberté totale de choix de leurs élèves, de leurs professeurs et de leur pédagogie, sans contrainte.

Pis, certains de leurs dirigeants assument de recruter les enfants des plus riches. Selon le directeur diocésain de l’enseignement catholique de Paris, « Plus on dira que l’école privée est une école de l’entre-soi, de gens privilégiés, plus elle attirera. On ne peut se réjouir de cela, mais c’est ainsi ».

Madame la ministre, comment pouvez-vous accepter que l’argent de l’État, dont les établissements publics ont tant besoin, finance un tel séparatisme scolaire, qui menace le contrat social de notre République ?

Pierre Ouzoulias

Sénateur des Hauts-de-Seine
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