La pérennité des bibliothèques est assurée

Bibliothèques et développement de la lecture publique (deuxième lecture)

Publié le 16 décembre 2021 à 15:31 Mise à jour le 20 décembre 2021

Madame la présidente, madame la ministre de la culture et des archives (Sourires.), mes chers collègues, ce texte en apparence simple et technique porte une évolution majeure du statut culturel des bibliothèques. Il fonde la reconnaissance législative de la bibliothèque comme institution du service public de la culture, non seulement pour la promotion du livre et de la lecture, mais aussi comme relais territorial de proximité de l’action culturelle.

Le nouvel article du code du patrimoine, créé par l’article 1er de la présente proposition de loi, donne enfin une âme à ce titre III, dont l’austérité toute notariale détonnait avec la place exceptionnelle que tiennent les bibliothèques dans notre imaginaire collectif : « des lieux du livre », mais aussi, et tellement, « des lieux du vivre », comme le disaient avec élégance Erik Orsenna et Noël Corbin dans leur rapport rendu le 20 février 2018.

Notre collègue Sylvie Robert, auteure et rapporteure de cette proposition, dont je salue la qualité et la fulgurance du travail (Exclamations amusées au banc de la commission.), fait sienne cette définition pour donner aux bibliothèques l’ambitieuse mission « de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ».

Vaste programme, aurait dit un général, et on peut d’ailleurs se demander si les bibliothèques ne vont pas finalement accueillir certaines des fonctions jadis dévolues, par son ministre de la culture André Malraux, aux maisons de la culture.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Ce n’est pas faux !

M. Pierre Ouzoulias. Dans ce domaine, la proposition de loi va très loin puisqu’elle confère à cette mission générale toutes les garanties du service public, c’est-à-dire la neutralité, le pluralisme et l’interdiction de toutes les formes de censure idéologique, politique ou religieuse. Toutes ces règles sont elles-mêmes protégées par le principe de mutabilité du service public qui assurera leur pérennité, indépendamment de l’évolution des techniques, des procédés de lecture et des supports de l’information.

Cette reconnaissance législative profite aussi et surtout aux personnels des bibliothèques et à leurs missions. C’est une évolution sociale considérable qui va sans doute imposer des adaptations de leur cadre d’emploi. En quelque sorte, les bibliothécaires rejoignent les rangs des hussards noirs de la République dans leur noble mission de « faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui viennent de la naissance, l’inégalité d’éducation », ainsi que le disait Jules Ferry en 1870.

À l’heure de la prépondérance du numérique, de l’impérialisme abêtissant des plateformes et du mythe prométhéen de la capacité omnipotente de l’individu à se construire seul son capital culturel, il est réjouissant de constater la grande santé des bibliothèques. Partout où il en ouvre de nouvelles, elles sont rapidement victimes de leurs succès. Nous avons même observé combien la crise sanitaire a renforcé leur aptitude à offrir de nouveaux espaces d’échanges humains. Avec l’extension du télétravail, je ne doute pas que la bibliothèque va devenir pour beaucoup de salariés le dernier espace de socialité, un service public du vivre-ensemble.

Il appartient maintenant aux collectivités de mettre en œuvre les politiques publiques qui permettront aux bibliothèques de développer toutes leurs missions, dans un cadre juridique renouvelé. L’État doit les aider dans cette mutation ambitieuse. Ses responsabilités sont encore bien plus grandes s’agissant des bibliothèques dont il a la charge. Je pense aux bibliothèques d’école, mais aussi, et surtout, aux bibliothèques universitaires.

La Cour des comptes a rendu, le 23 juillet dernier, un rapport accablant et alarmant sur la situation de ces dernières. Elle recommande au Gouvernement d’engager sans attendre des réformes de fond et des moyens budgétaires importants pour qu’elles puissent exercer leurs missions auprès d’étudiants qui sont dramatiquement privés de leur service.

Les collectivités ne pourront continuer à accueillir celles et ceux qui ont renoncé à se rendre dans les bibliothèques de leur université. Il est urgent de mettre en œuvre un plan de soutien de ces établissements, parce que, plus que tout autre établissement, les bibliothèques n’assurent pleinement leurs missions que dans un réseau homogène.

En attendant l’ouverture de ce nouveau chantier – j’espère que vous allez vous en emparer, madame la rapporteure, avec la même réussite –, nous voterons sans réserve cette proposition de loi.

Pierre Ouzoulias

Sénateur des Hauts-de-Seine
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