Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution porte dans l’hémicycle l’essentiel des conclusions du rapport de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante, dont le président de la commission de la culture, Laurent Lafon, était le rapporteur, rapport qui a été voté à l’unanimité au mois de juillet 2021.
Elle est symboliquement cosignée par tous les membres du bureau de la mission d’information, donc par tous les groupes politiques du Sénat. Ainsi démontrons-nous sa continuité avec ce travail collectif et exprimons-nous notre accord avec son bilan et ses préconisations. Je remercie Laurent Lafon et le groupe Union Centriste de nous permettre d’en discuter en l’inscrivant à l’ordre du jour des travaux du Sénat.
Nul ne peut plus ignorer la profonde dégradation des conditions de vie des étudiants, tant notre pays a été heurté et meurtri par les images de ces jeunes réduits à trouver leur pitance auprès des banques alimentaires. La crise sanitaire n’a été que le point ultime d’une lente déliquescence de leurs moyens de se nourrir, de se loger, de se soigner et, en définitive, d’étudier.
En effet, les politiques publiques mises en œuvre depuis au moins deux décennies avaient oublié l’essentiel, que rappelle justement et très simplement cette proposition de résolution : il n’est pas possible d’apprendre le ventre vide, d’apprendre dans la promiscuité d’un logement trop petit, d’apprendre avec une vue mal corrigée, d’apprendre avec un mal de dents non soigné, d’apprendre avec la peur de perdre son emploi précaire quand il apporte tout le revenu.
Les étudiants ne sont pas des cerveaux dans lesquels des connaissances sont déversées et que l’on stimule en donnant l’illusion qu’ils participent à une compétition internationale dont les règles les ignorent. Le classement de Shanghai est moins efficace que les Restos du cœur pour secourir les étudiants ! Notre proposition de résolution relève une évidence coupablement négligée : l’accompagnement personnalisé des étudiants dans toutes leurs activités matérielles est une condition essentielle de leur réussite académique.
Notre mission d’information a eu la surprise de constater, à cet égard, que ce sont souvent les petits établissements, éloignés des grandes métropoles, qui ont réussi à proposer aux étudiants les dispositifs d’accompagnement les plus efficaces. Ce résultat est obtenu par la mobilisation exceptionnelle de toutes leurs équipes au service de la réussite des étudiants.
Je prends à mon tour, après Laure Darcos, l’exemple de l’institut national universitaire Champollion d’Albi. Son succès est double. Il offre un cursus universitaire à des jeunes issus de la ruralité qui n’auraient eu ni les moyens financiers ni même la volonté de s’inscrire dans une université de taille supérieure et il parvient à les conduire jusqu’à la fin de la licence par un suivi individuel de grande qualité. Son taux de réussite est ainsi l’un des meilleurs de France. Ce travail profite aux étudiants, mais aussi à leurs territoires.
Il est donc regrettable que cette excellence républicaine, qui vise la promotion des individus et des collectivités dans lesquelles ils vivent, ne soit pas mieux aidée et valorisée. A contrario, cet exemple vertueux démontre que l’échec en licence n’est pas une fatalité et qu’il est possible de le résorber par des politiques volontaristes adaptées à chaque situation.
Affirmons-le avec force : il y a une solution budgétaire, donc politique, au problème de la réussite estudiantine. L’origine des difficultés profondes dont souffrent les universités est unanimement reconnue : c’est le sous-investissement chronique. Le Conseil d’analyse économique, organisme placé auprès du Premier ministre, et la Cour des comptes viennent très récemment de l’analyser sans contredit.
Je ne retiens que deux chiffres, déjà cités, de ces bilans affligeants. La dépense intérieure par étudiant baisse inexorablement depuis plus de dix ans et, durant la même période, les effectifs étudiants ont augmenté de 20 %, quand le nombre d’enseignants diminuait de 2 %.
Le Conseil d’analyse économique considère que cette dépression budgétaire a des conséquences économiques néfastes sur le marché du travail, la productivité et l’innovation, mais aussi sur la cohésion sociale, car l’université est incapable de corriger les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Il estime qu’il faudrait consacrer entre 5 milliards et 8 milliards d’euros supplémentaires par an pour remettre à flot le système universitaire.
C’est beaucoup d’argent, mais finalement bien peu pour donner à notre jeunesse des raisons d’espérer dans son avenir et à notre pays une voie pour surmonter les épreuves à venir par l’investissement dans la connaissance et l’engagement républicain renouvelé en faveur de l’émancipation humaine.