C’est pourtant le quotidien de milliers de familles, d’enfants, de nourrissons contraints de survivre dans la rue, enchaînant les solutions d’hébergement précaires et inadaptées.
Dans le 18e arrondissement de Paris, où je suis élu, le centre Suzanne Valadon les accueille. Je les ai rencontrés dimanche dernier. Derrière ces chiffres, il y a des visages d’enfants : Pierre-Maël, 5 ans, se réveille chaque nuit en pleurant, car sa chambre est infestée de souris ; Anne-Laure, 3 ans, ignore ce qu’est un foyer sûr et durable. Ils ne vivent pas, ils survivent.
Certains ont trouvé refuge dans des gymnases, des urgences hospitalières ou des églises. D’autres dorment dans la rue, dans des abris de fortune, des hôtels miteux ou des squats. Nourrissons, enfants, adolescents, tous vivent une extrême précarité.
Cette situation n’est ni une fatalité ni une conséquence des crises économiques : elle est due à l’absence de volonté réelle d’y mettre un terme. La France, qui se présente comme la patrie des droits de l’homme, signataire de la Convention des droits de l’enfant, dont l’article 27 fait peser sur l’État l’obligation de garantir à l’enfant un cadre sécurisé, ne fait pas le nécessaire. L’observation générale n°21 du Comité des droits de l’enfant de l’ONU souligne la vulnérabilité des enfants dans la rue et exige des États qu’ils y mettent un terme. Nous ne sommes pas à la hauteur de nos engagements. Sans pointer le Gouvernement ou tel ou tel ministre, c’est un échec global.
Les chiffres sont alarmants : le 19 août 2024, l’Unicef et la fédération des acteurs de la solidarité ont recensé plus de 2 000 enfants sans solution d’hébergement - deux fois plus qu’il y a trois ans - dont 467 avaient moins de 3 ans. Pas moins de 400 enfants dorment dehors à Paris, et on en recensait 300 à Lyon fin 2023, soit une augmentation de 200 % en deux ans.
Des centaines de nourrissons et d’enfants dorment chaque soir sans protection, sans compter les familles qui n’appellent plus les numéros d’urgence. Il faut prendre en compte l’ensemble des conséquences du sans-abrisme : troubles du sommeil, anxiété, stress post-traumatique. Le mal-logement multiplie par 1,5 le risque de retard scolaire.
Il faut agir sans attendre - c’est le sens de cette proposition de résolution transpartisane signée par des représentants des huit groupes de notre Haute Assemblée. C’est en effet une question d’humanité : accepter que des enfants dorment dehors, c’est renoncer à notre humanité.
Cela suppose de développer des places d’hébergement adaptées, pas des gymnases ou de chambres d’hôtels qui ne permettent pas de faire la cuisine. Il faut des hébergements dignes pour parer à l’urgence.
À plus long terme, cela suppose des logements très sociaux adaptés à des familles aux revenus extrêmement modestes.
Le seul objectif est qu’il n’y ait plus d’enfants qui dorment dans la rue en 2025.