Du champ de coton à la boutique, un jean parcourt jusqu’à 65 000 kms et il faut entre 7 000 et 10 000 litres d’eau pour le produire. 4% de l’eau potable disponible dans le monde et utilisée pour fabriquer nos vêtements.
Des constats inquiétants pour l’environnement mais aussi pour les droits humains car les millions de travailleuses et travailleurs qui fabriquent nos vêtements dans les usines textiles subissent des conditions de travail déplorables .
Le modèle de la fast fashion et de l’ultra fast fashion fonctionne sur le principe d’un renouvellement très rapide des vêtements proposés à la vente à bas prix.
Au lieu par exemple de 4 collections par an présentées par les maisons de mode, les marques de fast fashion peuvent en produire jusqu’à 52 par an soit une par semaine .
Ces marques ne créent pas mais copient les créateurs de prêt à porter. Elles produisent ensuite en grande quantité pour réduire les coûts et pour avoir assez de stock allant jusqu’à produire trop et brûler les invendus.
Ce modèle incite à la surconsommation de vêtements et produit 932 millions de tonnes de déchets textiles par an et dont très peu sont recyclés.
De 58 millions de tonnes de vêtements produits en 2000, nous sommes passés à 109 millions de tonnes en 2020 et nous nous dirigeons vers une production annuelle de 145 millions de tonnes d’ici 2030.
Entre 2010 et 2023, le nombre de vêtements mis sur le marché en France est passé de 2,3 milliards à 3,25 milliards soit une augmentation de 39 %.
Cette évolution est en décalage complet avec la hausse de la population car plus que le besoin de vêtir il s’agit bien de l’appétit des industriels du secteur qui explique cette augmentation exponentielle.
Selon les statistiques les français consommeraient en moyenne 9 Kgs de textiles par habitant et par an dont seulement un tiers passerait au tri. Sur l’échelle européenne c’est 4 millards de tonnes d’habits qui font l’objet de déchets vestimentaires annuellement.
Ces plateformes qui nous envahissent quotidiennement sur les réseaux sociaux veulent faire de nous des prisonnieres et prisonniers victimes à notre insu d’une surconsommation.
La fast fahion est une concurrence déloyale et qui s’avère très agressive pour nos industries textiles françaises dont l’emploi a été divisé par trois depuis 1990. Moins de 3% des vêtements vendus en France sont fabriqués en France.
L’accéleration de la désindustrialisation a inéluctablement touché le secteur de la distribution. 2022 et 2023 ont été catastrophiques pour certaines marques françaises comme CAMAIEU, KOOKAI SAN MARINA PIMKIE et plus récemment JENNIFER en liquidation judiciaire depuis Fin Avril et NAF NAF placée en redressement judiciaire et qui emploie plus de 600 salariés.
ROUBAIX l’ancienne ville aux mille cheminées ex capitale du textile français compte aujourd’hui quasiment 30 % de chômage.
La cause du problème de ces enseignes résulte d’un report de la consommation vers les enseignes low cost et il ne faut pas écarter l’impact de l’inflation qui a touché le pouvoir d’achat des français.
Ce secteur fait face à une crise sociale et économique dont les causes sont également à chercher dans ces vagues de délocalisations massives suivies d’une fuite en avant qui cherche son salut dans des volumes de production toujours croissants.
Des plateformes comme Shein et TEMU qui nous ont amenés dans une économie de produits jetables portés deux, trois fois puis jetés.
L’envers du décor de cette mode éphémère consiste malheureusement à exploiter les ressources naturelles, à utiliser des produits chimiques qui polluent les eaux, l’air et les sols et produisent de grandes quantités de déchets .
De la production à la transformation des matières premières, du tissage à la teinture, chaque étape de la confection d’un vêtement participe à ce lourd bilan environnemental.
Insoutenable pour la planète mais aussi pour les travailleuses et les travailleurs des pays où les entreprises de textile ont délocaliser les usines .
En 2013, l’effondrement du bâtiment Raza Plaza à Dacca au Bengladesh a couté la vie à 1 130 ouvriers devenant l’une des catastrophes les plus terrible de l’histoire du textile. Les consignes d’évacuation qui avaient été données la veille avaient été ignorées par les responsables des ateliers, parce que les vies humaines ont parfois moins de valeur que les marchandises à produire.
Dans ces pays , le coût de la main d’oeuvre est faible et les droits sociaux n’existent pas ce qui permet aux multinationales de multiplier leurs profits au détriment de travailleuses , car à 80 % ce sont des femmes, vulnérables et surexploitées.
Pendant que SHEIN engrangeait plus de deux milliards de dollars de bénéfices en 2023, ZARA 5,8 milliards de dollars, le salaire d’une ouvrière ou d’un ouvrier du textile est de 100 dollars mensuels.
Par un amendement que j’ai déposé, rejeté lors de l’examen du texte, nous avions proposé d’ajouter sur le respect des droits humains et des salaires un même système de bonus et de malus car l’exploitation exacerbée de notre planète ne peut se faire sans une exploitation tout aussi exacerbée des travailleuses et travailleurs.
Cette proposition de loi considérée détricotée pour les uns, ambitieuse pour d’autres a le mérite d’être une étape pour réguler l’hyper production et l’hyper consommation.
Ce texte incitera fortement l’industrie textile à repenser sa façon de produire, pour éviter des malus, des pénalités et éventuellement profiter des bonus lorsque la production de vêtements répond à des critères de durabilité.
Avec le rétablissement de l’article 3 qui interdit la publicité nous nous attaquons au principal ingrédient de la surconsommation. Je l’ai rappelé la semaine dernière : SHEIN en 2023 c’est 43,8 millions d’euros investis dans la publicité digitale et TEMU 27 millions et demi.
Nous aurions souhaité cependant que ce texte soit plus ambitieux pour soutenir les structures qui aident à recycler et à réemployer les vêtements.
Dans l’ensemble et je remercie notre collègue Rapporteure, ce texte marque une étape encourageante pour réguler un secteur dont l’empreinte environnementale représente 8% du total de nos émissions de CO2.
S’il reste beaucoup à faire pour réindustrialiser, décarboner notamment le transport de marchandises en misant sur le ferroviaire notamment, nous devons agir pour favoriser la sobriété et la relocalisation. Acheter moins mais acheter mieux avec des salaires qui permettent l’achat de produits de meilleure qualité et souvent plus écologiques. Mon groupe votera cette proposition de Loi.