"Pas de réindustrialisation sans reprise en main publique"

Proposition de loi du groupe CRCE-K de nationaliser ArcelorMittal

Publié le 31 octobre 2025 à 10:00 Mise à jour le 6 novembre 2025

Cette proposition de loi part d’un constat simple, brutal : depuis vingt ans, ArcelorMittal a transformé notre acier national en un actif financier au service de ses actionnaires. Elle est le fruit d’un travail collectif, avec les salariés qui produisent encore l’acier dans notre pays, et avec mes collègues des groupes de gauche qui ont cosigné le texte.

Notre acier, notre savoir-faire, nos emplois sont devenus des lignes comptables dans les bilans d’un groupe multinational. Ce qui était une fierté n’est plus qu’un produit spéculatif. L’économie capitaliste ne cherche pas à produire pour répondre aux besoins des peuples mais pour rémunérer le capital. Et nous perdrions une production essentielle, simplement parce qu’un fonds d’investissement exige une rentabilité immédiate ? Pour nous, l’économie doit servir l’intérêt général - c’est pourquoi elle doit être régulée par la puissance publique, et non livrée à la spéculation et à la loi du profit.

La nationalisation n’est pas un gros mot. C’est une décision souveraine pour reprendre la main sur notre destin industriel. Depuis des années, on nous fait croire, cyniquement, que le marché, les actionnaires étrangers, feraient mieux que l’État. Pendant ce temps, nos usines ferment, nos ouvriers sont licenciés, nos régions se vident et la France perd peu à peu le contrôle de son industrie.

La droite se réclame de la souveraineté nationale, mais on ne peut pas, d’un côté, brandir le drapeau tricolore et de l’autre, s’en remettre aux décisions d’un conseil d’administration installé au Luxembourg !

La souveraineté, ce n’est pas un slogan.

L’acier est la base de notre puissance industrielle : sans acier, pas de construction, pas de transition énergétique, pas de défense nationale. Turbines, rails, éoliennes, ponts, infrastructures vertes, tout cela dépend de la filière sidérurgique. C’est la fierté des femmes et des hommes qui la font vivre. Florange, Fos-sur-Mer, Dunkerque, Saint-Chély-d’Apcher sont les symboles d’un pays qui ne veut pas voir mourir son industrie.

Pourtant, ArcelorMittal ne cesse de trahir ses engagements. Jugez donc : 23 milliards d’euros de valorisation, 62 milliards de chiffre d’affaires, 13 milliards de dollars versés aux actionnaires depuis 2020. Dans le même temps, 392 millions d’euros d’aides publiques rien qu’en 2023, sans contrepartie sociale ou environnementale. ArcelorMittal a aussi bénéficié de quotas gratuits d’émission carbone, soit une aide implicite d’environ 960 millions d’euros. Malgré cela, les investissements sont reportés, les emplois supprimés, les usines menacées. La logique qui prévaut est celle du profit à court terme.

La nationalisation est une nécessité : économique, pour planifier la décarbonation de la filière ; industrielle, pour garantir nos approvisionnements stratégiques ; sociale, pour protéger les travailleurs, les territoires et le savoir-faire. Je salue les travailleurs de l’acier qui sont en tribune. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Nous proposons de créer une société nationale de l’acier, sous contrôle public et démocratique. Sans État stratège, il n’y aurait pas eu EDF, GDF, Airbus ou le CEA ! L’histoire industrielle française est indissociable de l’action publique.

La nationalisation serait trop coûteuse ? Mais qu’est-ce qui coûte le plus cher ? Investir pour sauver nos usines et nos emplois, ou payer des plans sociaux et dépolluer des territoires ravagés ? Les fonds existent : 15 milliards d’euros dans le plan européen pour l’acier, 6 milliards pour la décarbonation de l’industrie en France. Mettons-les au service du pays !

La nationalisation ne serait pas conforme au droit européen ? C’est faux : l’article 345 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne reconnaît le droit des États de choisir leur régime de propriété. Nous affirmons un choix politique souverain, comme d’autres avant nous.

Cette nationalisation n’est pas un retour en arrière, mais un acte de souveraineté moderne, pour piloter la décarbonation de la filière, planifier des investissements dans les hauts fourneaux électriques, garantir l’emploi et la formation. L’acier est la colonne vertébrale de notre puissance industrielle. Il faut protéger ce bien commun stratégique.

Notre proposition est ambitieuse, mais lucide. Il n’y aura pas de réindustrialisation sans reprise en main publique, pas de transition écologique sans souveraineté productive, pas de justice sociale sans rupture avec la loi du profit à court terme. Notre démarche, c’est la promesse d’une France qui reprend la main.

En adoptant ce texte, vous voterez pour une vision, pour une France qui choisit de produire, de protéger et de planifier. L’acier n’est pas un produit financier mais un bien commun, une force nationale, un levier d’avenir. Il est urgent de le traiter comme tel !

CécileCukierman

Présidente de groupe
Sénatrice de la Loire
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La nationalisation ne serait pas conforme au droit européen ? C'est faux : l'article 345 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne reconnaît le droit des États de choisir leur régime de propriété. Nous affirmons un choix politique souverain, comme d'autres avant nous.

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