Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,
Nous sommes réunis pour discuter de la privatisation de gaz de France et de sa possible fusion avec le groupe Suez. Or, à moins de considérer le Parlement comme une chambre d’enregistrement, certains éléments semblent manquer à la tenue d’un débat éclairé.
A multiples reprises, nous avons attiré l’attention du président de la commission des affaires économiques au Sénat, Jean-Paul Emorine, sur la nécessité de procéder à de nouvelles auditions. A ce titre, il aurait été instructif de pouvoir entendre les positions de ceux entre les mains desquels le gouvernement entend placer l’avenir de la politique énergétique française : la commissaire européenne à la concurrence Nelly Kroes, Jean-françois Cirelli et Gérard Mestrallet.
Hélas, l’emploi du temps surchargé, ou l’inutilité de la demande nous ont été opposés et donc bon nombre de question sont restées en suspend.
Pourtant, l’enjeu est de taille. Il s’agit tout simplement de savoir si les parlementaires désirent donner titre à l’actionnariat privé pour décider des modalités de la disparition de l’entreprise publique GDF et des conditions de sa fusion avec Suez. En bref, on nous demande d’autoriser une transaction dont on ne connaît ni le prix ni l’objet, intéressant !!
Tout est organisé pour que les remous de l’extérieur ne viennent pas perturber les discussions parlementaires. Il y aurait deux mondes hermétiques le monde formel de la politique et celui sérieux des affaires.
Ainsi, rappelez vous mi-octobre Monsieur le Ministre, vous annonciez que l’Autorité des marchés financiers allait se pencher sur les rumeurs d’OPA de l’homme d’affaires François Pinault, rumeur qui avait fait monter le cours du groupe, alors que Suez négociait sa fusion avec GDF. Et vous ajoutiez que le projet d’OPA était je cite « un projet qui a eu lieu au mois de juin et est mort en septembre ; Il a été exhumé, et l’AMF va regarder pourquoi et dans l’intérêt de qui ». Depuis on attend toujours ces conclusions, autant dire qu’on ne les attend plus !
Il suffit de regarder le cours de l’action Suez pour comprendre à qui profite le crime ! Les actionnaires de SUEZ continuent de militer en faveur d’une revalorisation significative des termes de l’échange. Certains d’entre eux, détenant plus de 10% du capital de SUEZ, ont proposé de distribuer plus de dividendes, soit de céder le pôle environnement. Encore une incertitude qui surgit ici !
Après le prix inconnu, autre brouillard les contreparties exigées par Bruxelles et les concessions proposées par GDF et SUEZ ou l’objet inconnu.
Ainsi, nous avons appris au cours des débats que la commission demandait aux groupes de céder 35% de leur capacité d’approvisionnement en gaz, notamment par la vente de Distrigaz, filiale gazière de Suez en Belgique.
Notons que l’information est venue d’un membre du conseil d’administration c’est vous dire la transparence des débats. Ce n’est guère étonnant quand on apprend que ni le conseil d’administration, ni les organismes de représentation du personnel n’ont encore été consultés sur la stratégie du futur groupe , son organisation, les prévisions industrielles, les conséquences en terme social.
La CGT accuse les présidents de GDF et Suez de vouloir « cacher le plus longtemps possible la réalité de leur projet et ses conséquences pour le service public et pour le personnel ».
En tous dans d’autres sphères les informations circulent. Ainsi, il semblerait que les concessions proposées par les deux groupes satisfassent désormais la Commission.
Mais là encore une fois, nous n’aurons cette information que le 14 novembre, date à laquelle les commissaires européens devraient adopté le projet de décision des services européens de la concurrence !
Vous voyez les zones d’ombres ne manquent pas au tableau de la fusion Gaz de France Suez.
Attachons à l’unique certitude : le géant gazier qui justifiait le projet de privatisation de GDF n’existera pas, mais l’entreprise publique GDF est bel et bien en passe d’être bradée au profit du privé.
L’absence de transparence dans le déroulement des débats est le révélateur, s’il en fallait un, d’une politique gouvernementale dictée par le pouvoir du capital, politique déconnectée des préoccupations de nos concitoyens et des revendications syndicales, politique méprisant ce pour quoi elle devrait lutter : l’intérêt général.