Secteur de l’énergie, GDF-Suez : une tentative supplémentaire de spoliation des biens publics de la nation

Publié le 24 octobre 2006 à 11:11 Mise à jour le 8 avril 2015

Je commencerai par une devinette. Qui est l’auteur de la phrase qui suit ? « En premier lieu, si le gouvernement entend bien donner à E.D.F. et Gaz de France les moyens juridiques et financiers de devenir deux champions européens et donc soumettre au paiement un projet de loi faisant évoluer la forme juridique des entreprises d’établissement public en société... Compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts de la France, en terme de sécurité d’approvisionnement et de sûreté des activités nucléaires, l’État conservera en effet une part majoritaire du capital de ces entreprises et continuera de définir conjointement avec leurs présidents leurs orientations stratégiques. Le niveau du seuil de détention minimum par l’État d’E.D.F. et Gaz de France est aujourd’hui fixé par le projet de loi à plus de 50 %. Je ne verrais pas d’obstacle à ce que ce seuil soit sensiblement relevé lors de la discussion au Parlement ».

Ce sont les paroles de l’actuel ministre de l’Intérieur, alors ministre de l’Économie et des Finances. En août 2004, il s’engageait solennellement à ce que l’État conserve une part de 70 % minimum dans ces deux entreprises. Ce gouvernement bafoue une fois de plus ses engagements. Vous faites exactement le contraire de ce que vous aviez promis !

Une fois de plus, en jouant avec les leviers du pouvoir, vous aggravez la crise de la démocratie. Votre loi de 2004 relative au service public de l’énergie usurpait déjà son titre puisqu’elle prônait la concurrence et engageait, avec l’ouverture du capital, la privatisation : priorité à la rentabilité, à la conquête de parts de marché, à la hausse des dividendes. Objectifs inconciliables avec les principes de justice sociale, d’égalité d’accès, de respect de l’environnement.

Quel désastre pour notre pays ! On ne peut livrer une ressource indispensable aux seuls calculs financiers ! C’est affaire de choix collectifs, libérés du seul souci de la rentabilité.

Cet article ne fait qu’aggraver ce que vous avez engagé dès 2004 et dont on voit déjà les conséquences néfastes sur les prix, l’emploi, l’aménagement du territoire. Que l’État conserve 34 % du capital ne lui assure aucun droit dans la gestion quotidienne, pas plus qu’en matière d’investissements ou de choix stratégiques. Il s’agit pourtant d’une ressource essentielle pour 11 millions de foyers et dont l’exploitation contribue à l’aménagement du territoire, y assurant une présence humaine et économique quelle que soit la densité du peuplement.

Vous franchissez un pas supplémentaire vers l’abandon de la maîtrise publique. De quels moyens disposera l’État, demain, face à la pression croissante des actionnaires, pour garantir les intérêts industriels, économiques et sociaux de notre pays ? Oubliez-vous les plans sociaux, les délocalisations auxquelles ont recours les grands groupes. Oubliez-vous le comportement d’E.A.D.S. issus de la fusion d’Aérospatiale et Matra - un groupe public et un groupe privé - dans l’affaire de la Sogerma ?

Nous ne prêterons pas la main à des agissements qui ne sont rien d’autre qu’une tentative supplémentaire de spoliation des biens publics de la nation, au mépris de l’intérêt général.

Yves Coquelles

Ancien sénateur du Pas-de-Calais

Ses autres interventions :

Secteur de l’énergie, GDF-Suez : conclusions de la commission mixte paritaire

Epilogue législatif, la majorité sénatoriale a approuvé en séance publique les conclusions de la commission mixte paritaire à propos du projet de loi relatif à l’énergie, qui privatise GDF avant sa fusion avec Suez. Au nom du groupe CRC, Yves Coquelle, sénateur du Nord, a souligné une nouvelle fois l’opposition totale des élus communistes à ce projet. "Nous sommes très inquiets des conséquences de la démission de l’Etat au regard de la politique énergétique. Alors que la garantie de l’indépendance énergétique de notre pays devrait être l’objectif, tout est fait pour saborder les opérateurs historiques GDF et EDF. Car ne nous y trompons pas, c’est bien de la préparation de la privatisation totale du secteur énergétique dont on parle. Au contraire, nous restons persuadés que la politique énergétique nécessite des outils de service public contrôlés par l’Etat, seuls à même d’assurer la continuité, la sécurité du service ainsi que la solidarité nationale."

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