Mais tout le monde voit bien que ce débat est d’une tout autre nature. J’en veux pour preuve le contexte dans lequel il s’inscrit, de monopolisation du débat public par les questions migratoires. Il suffit de regarder notre ordre du jour récent : interdiction du mariage pour les personnes sans papier, allongement de la durée de rétention en CRA, remise en cause du droit du sol à Mayotte, réduction des prestations sociales pour les étrangers en situation régulière. Le tout à peine plus d’un an après le vote d’une loi Immigration qui s’est soldée par un lamentable fiasco.
Il s’agit d’une stratégie délibérée : saturer l’espace médiatique afin de faire oublier les enjeux liés aux salaires et au pouvoir d’achat, pourtant premiers sujets de préoccupation des Français. Notre récente niche parlementaire a permis que le mot « salaire » soit enfin prononcé dans notre assemblée. Pour certains, l’immigration est une sorte d’ardoise magique, qui permet d’effacer tous les autres sujets.
La montée des tensions avec l’Algérie s’inscrit dans ce contexte. Il y a quelques jours, Éric Zemmour a affirmé que la colonisation de l’Algérie avait été une bénédiction. Quant au fils d’un ancien Président de la République, il a appelé à brûler l’ambassade d’Algérie en France. Sans oublier les propos d’une ancienne tête de liste aux élections européennes, selon lesquels « l’Algérie a du sang sur les mains ».
Fondée sur une avalanche de contre-vérités, cette escalade est dangereuse pour notre cohésion nationale, alors que 12 % des Français ont des liens avec l’Algérie. Les accords de 1968 n’ont pas ouvert les vannes de l’immigration : ils visaient au contraire à la contrôler.
Quand on est ministre, on est jugé sur ses résultats : qu’avons-nous obtenu du Gouvernement algérien dans la période récente ? Rien.
On prétend que l’Algérie surfe sur une forme de rente mémorielle - une expression qui n’est pas très belle. Je pense surtout que la haine de l’Algérie et des Algériens sert de rente électorale à des responsables politiques français en mal d’imagination. Puisse ce débat retrouver de la raison et être animé par l’intérêt général.