En octobre 2022, le Gouvernement haïtien a sollicité l’appui d’une force multinationale, ce que le Conseil de sécurité des Nations unies a accepté. La majorité de notre groupe soutient le principe de ce déploiement, car chaque citoyen a droit à la dignité et à la sécurité.
Mais soyons lucides : l’approche uniquement sécuritaire de ce texte risque de réduire cette crise politique à une simple urgence humanitaire.
Les interventions armées étrangères - une dizaine en trente ans - , même motivées par de bonnes intentions, n’ont pas permis de stabiliser le pays : leur échec tient souvent à une analyse partielle de la crise.
L’insécurité est non pas une cause, mais une conséquence. La crise tient à un enchevêtrement de facteurs : effondrement institutionnel, corruption, inégalités sociales, absence de perspectives économiques, liens entre élites et groupes armés.
C’est pourquoi une intervention internationale sans véritable feuille de route politique et sans coordination avec des acteurs légitimes risquerait de ne rien changer à la situation. Le Gouvernement non élu ne bénéficie en effet d’aucune légitimité politique.
Une telle mission risquerait de renforcer une police décriée pour sa corruption, et non les institutions. L’épidémie de choléra, introduite par des Casques bleus, appelle à une vigilance extrême. Les victimes des précédentes missions attendent toujours justice et réparation.
La seule issue durable passe par un processus politique inclusif et souverain. L’accord de Montana, élaboré par un large éventail de la société civile haïtienne, est une initiative sérieuse. Il propose une rupture avec les pratiques actuelles, des élections libres et le rétablissement des trois pouvoirs de l’État.
Il est urgent d’ouvrir un débat international sur la dette haïtienne, notamment la dette dite de l’indépendance imposée par la France. Il faudrait annuler les dettes et reconnaître cette dette historique.
Nous ne pouvons nous contenter d’une réponse armée : il y a besoin d’une vision globale, respectueuse de la souveraineté du peuple haïtien et construite avec toutes les forces du pays. La sécurité certes, mais jamais au détriment de la démocratie.