Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été relevé, le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali doit être resitué dans une actualité et un contexte particuliers.
En effet, le Mali et ses voisins souffrent depuis de nombreuses années d’une situation économique, sociale et politique extrêmement fragile et dégradée, qui fait de l’ensemble de la région sahélo-saharienne une proie facile pour un certain nombre de groupes d’intérêts prospérant sur la misère, l’ignorance et le désespoir de populations entières.
Dernière manifestation de cette crise, tout récemment encore, les villes de Bamako, Tombouctou et Ouagadougou ont subi des attaques terroristes ayant fait plusieurs dizaines de morts.
Près d’un an après le déclenchement nécessaire de l’intervention militaire de notre pays, qui a permis d’éviter la disparition de l’État malien, et après la tenue d’élections démocratiques, il était devenu nécessaire, sur le plan juridique et au regard des relations internationales, de refonder et préciser le cadre de notre coopération de défense avec le Mali.
Ce traité actualise et régularise une situation de fait. Je ne conteste pas la nécessité de celui-ci, mais les membres du groupe CRC ont des réserves sur son contenu et sur sa signification.
Certes, ce traité est de même nature que d’autres accords de coopération ou de partenariat de défense conclus au cours des années précédentes avec des États africains. Mais je voudrais rappeler que nous nous sommes toujours prononcés sur ces accords, au cas par cas, en fonction de la situation particulière de chaque pays.
Dans le cas du Mali, avec cet accord strictement sécuritaire et uniquement axé sur la seule lutte contre les groupes terroristes, il manque une approche globale des problèmes posés, approche qui permettrait de comprendre que la réponse militaire est insuffisante dans le temps.
À ce propos, la stratégie de l’opération Barkhane contre les groupes armés terroristes au Mali et au Niger semble montrer ses limites. La situation politique et sécuritaire dans la région reste très fragile, en particulier au Mali, où l’on ne voit guère de progrès dans les régions du nord, principaux foyers d’instabilité.
D’autres critiques peuvent aussi porter sur les résultats difficilement perceptibles d’une opération militaire qui coûte 700 millions d’euros par an et dont on ne voit pas le terme.
Certes, les flux logistiques des groupes armés terroristes sont perturbés par l’action de nos forces, ce qui permet d’entraver leur liberté d’action et empêche la création de sanctuaires. Mais ces groupes s’adaptent eux-mêmes en pratiquant un terrorisme peu coûteux d’un point de vue militaire. En ce sens, on peut dire qu’ils conservent l’initiative en contournant nos 4 000 hommes et leur quarantaine d’aéronefs divers, y compris l’essentiel de nos drones.
L’exemple du Mali nous aurait permis de mesurer comment la politique menée par le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d’État, pourrait gagner en efficacité et réussir à stabiliser, sur le long terme, une région à ce point fragilisée par la pauvreté, le terrorisme et les trafics.
Ainsi, pour assurer la stabilité et la sécurité dans ce pays, il faudrait, en comparaison du coût de nos opérations militaires, consacrer beaucoup plus de moyens à l’aide publique au développement. Or ce n’est pas la politique que vous menez, puisque les crédits affectés aux infrastructures et aux investissements économiquement structurants pour le Mali sont scandaleusement insuffisants.
C’est pourquoi je regrette le temps très limité de la discussion consacrée à l’examen de ce traité.
Notre groupe avait demandé que cette demande de ratification soit mise à profit pour organiser un débat de fond sur notre coopération militaire et civile, sur la situation sécuritaire de l’Afrique en général, voire, plus largement encore, sur la façon strictement militaire dont est conduite la lutte contre le djihadisme, sans s’attaquer aux causes qui le nourrissent.
En effet, nous aurions formulé de nombreuses réserves et des critiques sur la pertinence et l’efficacité de la politique de coopération en matière de défense et de sécurité menée dans la région, sur la nature de nos relations avec les gouvernements en place ou bien encore sur l’articulation de ce type d’accords avec l’opération militaire Barkhane, qui couvre maintenant cinq pays dans la bande sahélo-saharienne.
Pour cet ensemble de raisons, notre groupe émettra une abstention critique sur ce projet de loi de ratification.