Budget de la Sécu 2024 : attention effondrement !

Publié le 13 novembre 2023 à 10:30 Mise à jour le 4 novembre 2024

Nous avons une pensée pour nos collègues députés, empêchés de débattre à cause du choix du passage en force du Gouvernement, qui témoigne d’un mépris du Parlement : seuls neuf articles sur cinquante ont ainsi été discutés. L’absence de majorité réunie par le Gouvernement ne peut masquer vingt ans de privations, d’étatisation, de désinvestissement et de réduction d’effectifs.

En commission, tous les groupes ont appelé à une réforme structurelle. Tant l’hôpital public que la médecine de ville sont en crise, malgré la hausse des dépenses ; certains collègues s’en sont naïvement étonnés... mais je pense qu’ils voteront malgré tout le PLFSS... (Mme Monique Lubin s’amuse.)

Les gouvernements successifs ont sous-estimé l’effet de l’austérité. Les professionnels du secteur médico-social ont craqué, et tout le système s’effondre. Ils ont craqué, car le sens de l’intérêt général ne suffisait plus face à la mise en danger des patients. La violence institutionnelle entraîne des démissions, et 15 000 postes de praticiens hospitaliers et autant d’infirmiers sont vacants.

Il faudrait augmenter les capacités de formation de 20 % pour les personnels médicaux et de 25 % pour les paramédicaux, ainsi qu’améliorer les rémunérations et les conditions de travail.

Je pense à Marie-Pierre, 27 ans, infirmière qui a quitté les urgences pédiatriques de l’hôpital Necker car elle ne supportait plus la façon dont on traitait les patients. De tels témoignages, je les entends partout. Mais est-il sérieux de faire miroiter des lendemains meilleurs sans moyens supplémentaires ? Or les dépenses des hôpitaux, qui sont au bord de l’implosion, sont réduites de 500 millions d’euros ... Le « en même temps » et l’entre-deux ne sont plus possibles ! Austérité ou investissement, il faut choisir !

Le Président de la République a évoqué des référendums ; il devrait interroger directement les Français : acceptez-vous de patienter des semaines pour obtenir un rendez-vous, acceptez-vous les fermetures des urgences ? Ou devons-nous financer les dépenses de santé à la hauteur des besoins en revalorisant l’Ondam de 10 milliards d’euros nets de l’inflation ?

Cette politique n’est pas utopiste, c’est un projet de société. Pour la financer, nous proposons de revenir sur les exonérations de cotisation. En 2024, elles représentent 87,9 milliards d’euros, deux fois plus qu’il y a dix ans ; autant d’argent pour des patrons et des actionnaires, perdus pour les recrutements et les salaires.

Le directeur de recherches au CNRS Bruno Palier n’a pas de mots assez durs : c’est inefficace pour l’emploi et délétère pour le travail, selon lui. Depuis 1993, les plans généraux de baisses de cotisations, les allègements Fillon, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) de M. Hollande n’ont fait que dévaloriser le travail.

Avec les transferts de l’État et notamment de fractions de TVA, sous 3,5 Smic, les entreprises ne financent plus la protection sociale, mais tous les Français qui achètent une baguette de pain, oui ! On pourrait en sourire si cela ne mettait pas en cause le pacte social, alors que les dépenses vont inexorablement continuer d’augmenter en même temps que la société vieillit.

Il faut mettre les revenus financiers à contribution, et les moduler selon les politiques sociales des entreprises. Au lieu de cela, on fait les poches aux malades en doublant les franchises, ce que 63 % des Français jugent inacceptable.

Le Gouvernement publiera un décret dans quelques semaines pour augmenter encore les contributions des malades sans passer par le Parlement.

Cet été, le ministre de l’économie a évoqué une hausse du délai de carence pour les arrêts maladie ; il n’est pas dans le texte, mais pourrait revenir par amendement.

On culpabilise et on stigmatise les patients : je pense à la limitation à trois jours des arrêts de travail délivrés par téléconsultation, alors que 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, mais surtout à la scandaleuse suspension automatique des indemnités journalières. Loin d’être due à des abus, leur hausse s’explique en fait par le vieillissement de la population active, qui ne fera que s’aggraver avec le passage à 64 ans de l’âge de départ à la retraite. Le risque de privatisation du contrôle de l’assuré social au profit de l’employeur, qui fragilise les salariés, est intolérable.

Pour financer la réforme de France Travail, le Gouvernement ponctionne 2,7 milliards d’euros sur l’Unédic : les économies sur le dos des chômeurs (M. Xavier Iacovelli proteste) financent l’assurance chômage. C’est le double effet kiss cool : tu joues, tu perds.

Vous présentez un budget insincère, renforcez le contrôle sur les arrêts de travail au lieu de vous attaquer aux 8 milliards d’euros de fraude sur les cotisations patronales.

Ainsi, entre l’article 49.3 et l’article 40, qui fait voler en éclats nos amendements, entre absence de mesures concrètes et stigmatisation des assurés sociaux, les conditions d’un véritable débat ne sont pas réunies. Le groupe CRCE-Kanaky vous appelle à voter la question préalable.

Cathy Apourceau-Poly

Sénatrice du Pas-de-Calais
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