L’heure est donc au bilan des six jours que nous avons passés à examiner un budget de 662 milliards d’euros, qui touche l’ensemble de nos concitoyens.
L’exercice budgétaire nous a permis – si besoin était – une clarification politique. Lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le Premier ministre a annoncé « un effort partagé et juste ». Dans les faits, il n’en sera rien.
La baisse des dépenses, qui reposait à hauteur de 10,1 milliards d’euros sur les dépenses sociales et de 4,7 milliards d’euros sur les dépenses concernant les entreprises, soit deux tiers pour les assurés sociaux et un tiers pour les entreprises, s’est transformée en 12,5 milliards d’euros pour les assurés sociaux et 2,5 milliards d’euros pour les entreprises, soit un cinquième de l’effort total.
Il faut certainement y voir l’influence du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, qui refuse toute mise en cause des exonérations accordées aux entreprises.
Une vaste campagne de publicité lancée ce week-end par le Mouvement des entreprises de France (Medef) circule avec pour argument : « 20 milliards d’euros d’impôts et de charges en plus pour les entreprises, c’est l’équivalent du salaire chargé de 400 000 emplois ». Le même argument a prévalu lors de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui, rappelons-le, devait créer 1 million d’emplois, objectif jamais atteint.
Les grandes entreprises bénéficient de 200 milliards d’euros d’aides publiques par an, dont 80 milliards d’exonérations de cotisations sociales. C’est une véritable addiction !
La majorité sénatoriale a tenté de trouver un équilibre avec le Gouvernement en abaissant de 4 milliards à 2 milliards d’euros le montant des exonérations en moins pour les entreprises.
Disons-le, ce budget n’est ni partagé ni juste.
Non seulement le Gouvernement va réduire les indemnités journalières des malades, augmenter le ticket modérateur lors des consultations chez le généraliste, réduire les remboursements sur les médicaments, renforcer le contrôle des ordonnances médicales, mais l’essentiel des efforts reposera bien sur les travailleurs et les retraités.
Les retraités subiront l’augmentation des tarifs des complémentaires santé, mais surtout la sous-revalorisation des pensions en 2025. Là aussi, la majorité sénatoriale a tenté de trouver un équilibre entre le Gouvernement et sa majorité parlementaire. Notre collègue rapporteur Pascale Gruny a proposé une nouvelle rédaction de l’article 23 sur la revalorisation des pensions de retraites. Au lieu d’être revalorisées au 1er janvier prochain à hauteur de 2,3 %, elles ne le seront que de 0,9 % ; puis, au 1er juillet, les pensions inférieures au Smic le seront encore de 0,9%.
Ce bouclier anti-inflation censé bénéficier à 44 % des retraités est en réalité moins avantageux que la version initiale du Gouvernement. Les pensions en dessous du Smic auront perdu 30 euros à la fin de l’année 2025, tandis que les 10 millions de retraités dont la pension dépasse 1 425 euros auront perdu 1,4 point de pouvoir d’achat.
Nous contestons résolument cette vision de la solidarité et de la justice des efforts demandés aux uns et aux autres.
Selon le Groupe des neuf, qui rassemble neuf organisations syndicales de retraités, pour rattraper les pertes subies depuis 2017 par ces derniers, il faudrait augmenter les pensions de 5,2 %.
Après le report de l’âge de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation, la sous-revalorisation des pensions constitue la troisième vague de la contre-réforme des retraites : les pensions sont devenues la variable d’ajustement du budget de l’État. (Brouhaha persistant.)
Nous considérons que les retraités et les salariés font déjà des efforts depuis des années et que d’autres choix sont possibles pour financer la sécurité sociale.
Au prétexte du déficit de la sécurité sociale, le centre et la droite se sont lancés dans une course aux mises en cause du droit du travail : temps de travail, coût du travail et mêmes congés payés. Comme si le code du travail n’avait pas été suffisamment abimé depuis quinze ans.
Les salariés vont ainsi devoir travailler sept heures de plus gratuitement chaque année, la majorité sénatoriale ayant ajouté une deuxième journée de solidarité pour financer la perte d’autonomie. Avec vous, les salariés vont travailler plus pour gagner moins.
Enfin, comment ne pas évoquer la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ? Le Sénat, qui se veut la chambre des territoires, est pourtant resté sourd aux appels des hôpitaux et des collectivités. Et ce n’est pas en étalant l’augmentation des cotisations que la hausse de 12 points sera plus facile à gérer : mes chers collègues, 4 points en trois ans ou 3 points en quatre ans, cela fera toujours 7,5 milliards d’euros supplémentaires à payer !
En conclusion, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a mis en lumière des visions de société radicalement opposées. Nos amendements de justice sociale en faveur d’une sécurité sociale solidaire de haut niveau n’ayant pas été retenus, le groupe CRCE-Kanaky votera contre ce texte.
Le sénat a adopté malgré le vote contre des 109 sénateurs de gauche