Ce discours réactionnaire fait honte au monde du travail

Réforme des retraites : article 5

Publié le 7 octobre 2010 à 10:33 Mise à jour le 8 avril 2015

Nous venons d’entendre un discours extrêmement réactionnaire, …

M. Guy Fischer. Exact !

M. Jean-François Voguet. … qui fait honte à notre assemblée et au monde du travail.

C’est maintenant de la condition féminine que je voudrais parler, au nom de Mme Schurch.

S’il est bien une catégorie de salariés qui va subir de plein fouet les effets de la potion libérale que vous vous apprêtez à administrer au monde du travail, ce sont bien les femmes, dans leur ensemble.

Pour traiter la question du recul de l’âge de la retraite, il est en effet patent qu’un regard particulier doit être porté sur la question du travail féminin. Le premier aspect fondamental de cette question, c’est bien évidemment que la France compte un nombre particulièrement élevé de femmes en activité, du fait d’un important développement du salariat dans les années soixante et soixante-dix, très largement accru par le mouvement d’allongement de la scolarité, qui a fortement influé sur le niveau de formation initiale des jeunes filles.

La conséquence de ce processus est connue : en 1968, le taux d’activité féminin était inférieur à 50 % du total de la population féminine en âge de travailler. Aujourd’hui, ce taux d’activité avoisine 80 %.

Ce mouvement continu de développement du nombre de femmes en activité ou recherchant un emploi est évidemment le produit de bien des facteurs, depuis la recherche de l’indépendance financière à la nécessité de disposer de deux revenus dans le ménage en passant par l’allongement de la scolarité, qui conduisent bien souvent les femmes à intégrer le monde du travail par choix plutôt que de se « replier » sur la vie du foyer familial, vers lequel vous voudriez certainement les ramener.

Ce mouvement de féminisation de l’emploi est allé de pair – faut-il le souligner encore ? – avec la tertiarisation de l’économie et l’émergence des fonctions administratives, comptables ou encore juridiques dans les entreprises, fonctions pouvant être assumées aussi bien par des hommes que par des femmes.

Dans un autre ordre d’idées, le travail féminin s’est aussi développé avec l’accroissement de l’emploi public – que vous êtes en train de supprimer – consécutif à la structuration des services publics de l’État comme des autres échelons de pouvoir local et qui allait de pair avec le maillage économique et social du pays. Nous savons tous que le fonctionnaire est souvent, d’abord, une fonctionnaire !

Enfin, la parcellisation des tâches dans de nombreux secteurs industriels et de services, dans la grande distribution a amené au développement d’un emploi féminin déqualifié. Ce sont aujourd’hui les femmes qui sont au premier rang des emplois précaires, du temps partiel imposé, des horaires élastiques et qui demeurent les victimes désignées des inégalités salariales et de promotion.

Seulement voilà, les comptables cyniques qui ont conçu le texte de ce projet de loi viennent de se rendre compte que, plus le temps passait, et plus les femmes étaient en situation d’avoir des carrières complètes, avec le nombre d’annuités nécessaires pour prétendre à une retraite à taux plein, et qu’elles avaient de surcroît l’outrecuidance de vivre plus longtemps que les hommes,…

Mme Annie David. Là, elles exagèrent... (Sourires.)

M. Jean-François Voguet. … en clair, que le déficit structurel des retraites aurait comme raison principale la nécessité de verser des pensions à des femmes – aujourd’hui, 1 000 euros par mois en moyenne ! – et que, de ce fait, les caisses allaient être durablement vidées.

Alors, vous avez sorti la règle à calcul et vous vous êtes dit que deux ans de plus pour partir en retraite, cela pourrait permettre de résoudre une partie du problème avant que le recul symétrique de l’âge de perception de la retraite à taux plein ne freine durablement la croissance de la retraite des femmes.

Jolie manière, vous en conviendrez, de remercier les femmes françaises d’avoir décidé de prendre leur part à l’activité économique de la nation ! C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet article.

Jean-François Voguet

Ancien sénateur du Val-de-Marne
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