Aides à domicile, ouvriers, employés, livreurs nous disent ne plus pouvoir boucler leurs fins de mois. Certains sont obligés de cumuler deux emplois pour éviter la précarité alimentaire à leurs enfants. À la fin du mois, le caddie est de plus en plus vide. Est-il normal qu’en 2025, des travailleurs qui vont au turbin chaque matin soient obligés de s’adresser aux banques alimentaires ? Beaucoup ne prennent plus de vacances depuis longtemps. Leur seule sortie, c’est une après-midi au parc.
Point de misérabilisme, mais un constat : les travailleurs n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Or le travail doit payer et être justement rémunéré. C’est une question de justice et de respect des travailleurs.
Les salariés sont fiers de ce qu’ils produisent, mais ils sont rattrapés par l’inflation : cela ne peut plus durer ! Oui, les travailleurs pauvres existent, car le travail ne paie plus. D’où cette proposition de loi.
Le Smic est indexé sur l’inflation, tout comme les pensions de retraite et les prestations sociales, mais pas les salaires. Résultat : ils décrochent, entraînant une perte de pouvoir d’achat. En 2024, les salaires ont progressé de 2,7 % en moyenne, soit 0,7 point de plus que l’inflation, ce qui ne suffit pas à compenser les pertes cumulées de 2022-2023, estimées à 2,4 %.
En outre, il y a des disparités entre secteurs. Les employés du commerce ont particulièrement souffert. Dans l’industrie, les salaires sont historiquement plus élevés, car la valeur produite rapporte plus. Mais la donne a changé : les ouvriers de l’automobile n’espèrent plus se payer la voiture qu’ils fabriquent. Toutes les catégories sont touchées : le pouvoir d’achat des cadres a baissé de 2,8 %.
La situation n’est pas plus rose dans la fonction publique, bien au contraire : leur pouvoir d’achat est en chute libre depuis la fin de l’indexation du point d’indice sur l’inflation, en 1983.
Puisque le Smic est indexé sur l’inflation, on assiste à un rattrapage par le bas des échelles des salaires et donc à un tassement des rémunérations. La situation est telle que certains fonctionnaires de catégorie C perçoivent une prime de rattrapage du Smic ! Cela entraîne une perte d’attractivité de nombreux métiers.
Notre pays connaît une explosion de la pauvreté. Près d’un tiers des personnes pauvres ont un emploi, 19 % de salarié et 12 % d’indépendant.
D’un côté, les travailleurs perdent en pouvoir d’achat ; de l’autre, les entreprises du CAC 40 ont réalisé, en 2023, 144 milliards d’euros de bénéfices.
En 2023, le salaire annuel moyen des patrons du CAC 40 était de 7,1 millions d’euros. Ce sont pourtant les salariés qui produisent les richesses.
L’écart entre les rémunérations des salariés et des patrons n’en finit pas de se creuser ; c’est insupportable. L’inflation est non pas conjoncturelle, mais structurelle : il faut donc des réformes structurelles. Même si elle a été ramenée à 2,5 % en 2024, après 5,2 % en 2022 et 4,9 % en 2023, elle est encore de 1,5 % cette année. Il est urgent d’indexer les salaires sur l’inflation, afin de garantir le revenu des travailleurs. Ce mécanisme protecteur et efficace a déjà existé en France de 1952 à 1983. La suppression de l’échelle mobile des salaires a eu des conséquences désastreuses : de 1983 à 1989, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté de 10 points.
Nous serons tous d’accord pour dire que les travailleurs utilisent cet argent dans l’économie réelle ; ils ne spéculent pas. Cette mesure serait bonne pour les individus, mais aussi pour toute l’économie du pays.
La part des dépenses incompressibles représente de plus en plus souvent la totalité du revenu disponible. Les gilets jaunes dénonçaient cet appauvrissement au travail. C’est la classe moyenne qui tend à s’effacer.
La croissance est freinée par la concentration des richesses : c’est ce que nous, communistes, appelons la concentration du capital, qui mène à une crise systémique.
En commission, certains ont exprimé la crainte d’une boucle prix-salaire. Je vous propose un petit voyage chez nos voisins, où les entreprises se portent bien et où il n’y a pas de spirale inflationniste : Belgique, Luxembourg, Chypre, Malte, où les salaires sont indexés.
Il y a les prix, les salaires, mais aussi les profits, qui ne sont pas incompressibles. Cette prétendue boucle inflationniste fait peur car vous refusez de les mettre dans la balance.
Notre proposition est soutenue par 87 % des Français. Nous ne proposons pas d’augmenter les salaires, mais seulement de rattraper l’inflation pour faire cesser la perte continue de pouvoir d’achat.
Le rétablissement de l’échelle mobile des salaires renforcera les négociations de branche.
Le coût du travail est moindre en France par rapport à l’Allemagne : 8,51 euros de l’heure contre 12 euros. À emploi et qualification égaux, nos niveaux de salaires sont inférieurs à ceux de nos voisins du Nord et de l’Est. Or de trop faibles rémunérations ont des conséquences sur la productivité : comment être productif quand l’idée de nourrir vos gosses vous trotte dans la tête ?
Nous réclamons simplement que le travail soit reconnu, qu’il paie et soit indexé sur l’inflation pour permettre aux salariés de vivre dignement.
J’attends avec impatience les arguments du Gouvernement contre cette aspiration à la justice sociale de Français toujours plus nombreux.
Je salue le travail de Silvana Silvani, rapporteure.