Ne touchez pas au 1er mai !

Proposition de loi Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai

Publié le 3 juillet 2025 à 14:31

Le 1er mai est la fête des travailleurs et non pas la fête du travail comme certains à l’extrême droite le prétende. Depuis 1890, la classe ouvrière a défini le 1er mai comme journée d’auto-reconnaissance comme classe sociale.

Cette journée est l’occasion de rendre visible sur la scène locale et même internationale la présence massive de ceux qui travaillent et de leur famille.

Le 1er mai est une fête ouvrière et populaire qui sert de catalyseur, mais aussi de baromètre des mouve-ments sociaux comme de la conjoncture politique.

En France, le 1er mai ne se résume pas à des défilés de cortèges dans les villes, le 1er mai c’est également des rassemblements, des meetings, et des moments po-pulaires où l’on chante le temps des cerises et où l’on danse dans les bals des villages.

Dans le sillage des ouvriers de Chicago qui avaient manifesté le 1er mai 1867 en faveur de la journée de 8 heures et du 1er mai 1891 à Fourmies où la répression de la manifestation avait entrainé 9 morts, dont 2 enfants et 30 blessés, le 1er mai est inscrit dans l’histoire du mouvement social.
C’est pourtant cette histoire que le groupe cen-triste veut rayer d’un trait avec cette proposition de loi.

Le 13 novembre 2024, le Président du groupe LR du Sénat avait déclaré aux journalistes de Public Sénat, que : « la suppression d’un jour férié c’est quelque chose qui pourrait être voté »
Si le choix du jour férié c’est fait sur le 1er mai c’est parce que c’est le seul jour férié qui est obligatoire-ment chômé selon la loi.

L’idée que des salariés puissent percevoir une ré-munération sans travailler est insupportable pour la majorité sénatoriale et la majorité gouvernementale.
Si au moins c’était une journée sacrée ou une journée pour commémorer une guerre capitaliste.
Au prétexte que 5 boulangeries ont été verbali-sées nous devrions changer le droit qui organise les usages depuis 1947.

Au prétexte que ces 5 boulangeries ont toutes été relaxées le gouvernement a estimé nécessaire de déclencher l’urgence sur ce texte qui étend les dérogations au travail chômé le 1er mai.
Car il faut le dire, il existe déjà des dérogations au 1er mai puisque les employeurs qui ne peuvent inter-rompre le travail sont autorisés à travailler.

Selon la direction Générale du travail, les transports publics, les hôpitaux, les hôtels, les services de gar-diennage remplissent naturellement cette condition.
Certains ont voulu s’insérer dans la brèche en justifiant qu’un restaurant ne pouvait s’arrêter de fonctionner tout comme les cafés ce qui est déjà contestable. Et depuis des années, bénéficiés de cette dérogation les employeurs qui ne pouvait arrêter de fonctionner et par conséquent ouvraient leurs établissements le dimanche.

Lorsque le juge de la Cour de Cassation a exigé des boulangers de démontrer l’impossibilité pour eux d’arrêter de travailler, les premières plaintes lors de la campagne présidentielle de 2007.
La tolérance ministérielle a été contredite par la plus haute juridiction de droit civil et aujourd’hui les entreprises exigent de légaliser leurs pratiques illégales.

Cette manière de faire est d’autant plus insupportable que ce texte fait partie d’un ensemble de re-mise en cause du droit social menée depuis plusieurs années par le Sénat.
La guerre idéologique consiste à affaiblir toutes les victoires syndicales de notre pays qui constituent notre pacte social.

Depuis un an c’est un festival de la part du groupe centriste : remise en cause du droit de grève dans les transports, création d’une journée de travail gratuite, et aujourd’hui déroger au seul jour férié et chômé de l’année.

Au nom d’une soi-disant insécurité juridique cette proposition de loi devait permettre aux boulangers et aux fleuristes d’ouvrir le 1er mai.

Pourtant la rédaction initiale prévoyait un péri-mètre qui dépassait largement ce cadre puisque toutes les entreprises autorisées à ouvrir le dimanche comme les magasins d’ameublement, les supermar-chés ou les casinos devaient être autorisés à faire tra-vailler les salariés le 1er mai.

En réalité derrière le débat sur l’autorisation à faire travailler les salariés le 1er mai nous avons un désaccord sur la vision de la société et du droit au repos. Les modernes seraient ceux qui souhaitent travailler 365 jours par an pour consommer en tout temps et en tout lieu. Pour notre part, nous considérons que les mo-ments sans consommation sont devenus déjà trop rares et qu’il faut protéger des temps démarchandi-sés.

Alors que certains répètent à l’envie que notre société se délite avec un repli sur les individus au dé-triment de la société. En autorisant des dérogations au chômage du 1er mai vous remettez en cause une journée de repos et de partage en famille et entre amis.

Le rapporteur a modifié en commission le texte en limitant les dérogations supplémentaires aux commerces de bouche de proximité, aux fleuristes et jardineries, aux cinémas et aux théâtres.
Le rapporteur ne nous a pas fourni d’évaluation du nombre de salariés potentiellement concernés mais si l’on cumule les secteurs de l’agroalimentaire, des commerces de détail alimentaire, les boulangers, les fleuristes et les activités culturelles nous arrivons à près de 1,5 millions de salariés impactés par ce texte.

Vous avez beau jeu de nous défendre que les salariés devront être volontaires pour travailler le 1er mai. Notre collègue Puissat a eu l’air de découvrir en commission le principe du lien de subordination.
C’est ce rapport particulier qui fait que lorsqu’un patron demande à un salarié s’il veut venir travailler le 1er mai il acceptera par craintes de répercussions négatives.

Le volontariat n’existe pas pour les salariés. Le volontariat c’était la même condition pour sécuriser soi-disant l’instauration du travail le Dimanche.

10 ans après le vote de la loi Macron, le volontariat des salariés qui travaillent le dimanche n’existent pas plus que les taxis payés par les employeurs pour ramener les salariés chez eux. Même la majoration de salaire de 50% le dimanche est descendu à 30% voir 20% selon les conventions collectives.

Le travail le dimanche était censé permettre aux étudiants de payer leurs études et les entreprises de gagner plus d’argent.

Selon une étude de l’Insee de 2023 intitulée « Qui travaillera dimanche ? Les gagnants et les perdants de la déréglementation du travail dominical », le résultat est sans appel.
Selon cette étude : « L’ouverture dominicale ne s’est accompagnée d’aucune hausse des effectifs et du chiffre d’affaires ».

Aujourd’hui vous reprenez le même argument de la rémunération doublée pour justifier l’ouverture du travail le 1er mai pourtant nous avons la démonstra-tion qu’il n’existe pas d’argent magique le dimanche ni le 1er mai.

Nos concitoyens ne consomment pas davantage le dimanche ou le 1er mai parce que les magasins ouvrent leurs portes puisque les entreprises refusent d’augmenter les salaires.
Voilà un sujet qui aurait dû mériter un projet de loi de la part du gouvernement et le déclenchement de la procédure accélérée.

L’augmentation du Smic et l’indexation des salaires sur l’inflation comme nous vous l’avions propo-sé en février permettraient d’augmenter le pouvoir d’achat et dynamiser l’économies.
Au lieu de cela vous préférez vous attaquer à une journée hautement symbolique dans notre pays, le 1er mai est une conquête des luttes sociales depuis 1947 dans notre pays.

Après les dérogations au repos dominical, après l’âge de départ à la retraite, après la journée de solida-rité, les 35 heures et le 1er mai sont les nouveaux ob-jectifs remises en cause des groupes Centristes, Indé-pendants, RDPI et des Républicains du Sénat.

Les mêmes qui ont vanté depuis des mois le dialogue social avec l’organisation du conclave sur les retraites s’attaquent aujourd’hui ouvertement aux organi-sations syndicales.
Avec l’extension des dérogations, vous détricotez le principe petit à petit le principe du 1er mai chômé de manière à justifier demain sa remise en cause totale.

Votre objectif final, non revendiqué évidemment, est de voler un jour de congé aux salariés car vous trouvez qu’ils ne travaillent pas suffisamment. Cette vieille rengaine du patronat semble trouver beaucoup d’écho de ce côté de l’hémicycle.

Pourtant je voudrais rappeler les données de l’OCDE de 2022 selon lesquelles la France se classe au 6eme rang en termes de productivité en Europe.

Pour nous le débat n’est pas de travailler plus mais de travailler tous et dans de bonnes conditions pour ne pas finir cassés à la retraite.

Cette proposition de loi, inscrite dans la session extraordinaire de juillet par le gouvernement est une bombe à fragmentation de la société.

La prudence et la proportionnalité si chères au rapporteur aurait dû inciter à l’abstinence mais vous sem-blez prêts à affronter une nouvelle colère sociale.
Vous pouvez compter sur notre groupe pour ne pas céder un pouce aux acquis sociaux obtenus dans le sang et les larmes.

Clara Zekin disait à propos du 1er mai que « c’est l’unique vrai jour de fête du prolétariat exploité et mi-litant. C’est un jour de fête librement voulu et résolu, en antagonisme avec les jours de fête religieux ou laïques octroyés aux esclaves de l’usine, de la mine et des champs par la volonté des gouvernants et des exploiteurs. (…) le 1er mai est une fête de l’avenir, une fête révolutionnaire ».
Nous sommes profondément attachés à cette di-mension du 1er mai et nous refusons ce texte, comme l’ensemble des organisations syndicales.

En conclusion, pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Communiste-Kanaky vous appellent solennel-lement à voter notre motion et rejeter ce texte.

Cathy Apourceau-Poly

Sénatrice du Pas-de-Calais
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