Sous la mer, le CO₂...

Résolution sur la prévention de la pollution des mers

Publié le 3 juin 2025 à 14:28 Mise à jour le 5 juin 2025

L’enfouissement du CO₂ en mer du Nord est souvent présenté comme une technologie phare pour réduire les émissions industrielles, notamment dans le cadre de la capture et stockage du carbone (CSC).

Si cette méthode peut constituer un levier partiel et utile pour certaines industries comme la cimenterie — où les émissions résiduelles liées à la calcination du calcaire sont difficiles à éliminer autrement — son efficacité et sa pertinence restent très limitées pour l’ensemble des secteurs industriels.

En effet, pour des industries lourdes comme la sidérurgie, la chimie ou encore la métallurgie, l’enfouissement sous-marin ne peut être qu’une solution ponctuelle et ne doit surtout pas détourner les industriels de l’impératif fondamental : investir massivement dans la décarbonation de leurs procédés.

Il est grand temps de mettre en œuvre une transformation profonde de l’industrie française par une véritable renaissance de celle-ci, socialement et écologiquement responsable. La clé réside dans la réindustrialisation portée par l’électrification massive, l’usage ciblé de biogaz, le développement de l’hydrogène décarboné, et surtout, l’innovation technologique à travers la recherche et développement.

Ces voies permettront de réduire drastiquement les émissions territoriales — avec un objectif ambitieux de 91 % de décarbonation d’ici 2050 — tout en limitant la dépendance aux énergies fossiles importées.

À l’inverse, miser sur le stockage géologique sous-marin pour compenser les émissions actuelles, surtout hors secteur cimentier, revient à repousser le problème à plus tard. Cette méthode ne s’attaque pas à la racine du problème : la dépendance aux énergies carbonées et la persistance de procédés industriels polluants.

Celle-ci risque d’entraver la transformation structurelle des industries en favorisant des investissements dans des technologies dites « faciles » mais peu durables, voire risquées à long terme comme de possibles fuites et les impacts environnementaux en mer qu’elles impliqueraient.
A nos yeux, le discours politique et industriel autour de la CSC révèle une tendance inquiétante consistant à faire prévaloir les activités humaines sur la nécessité de les réadapter aux limites planétaires. Transformer les réservoirs géologiques en décharges sous-marines — comme cela se profile avec les projets en mer du Nord ou dans d’anciens puits pétroliers — traduit une fuite en avant technologique.

Cette approche n’est pas sans rappeler les techniques, utilisées depuis des décennies pour extraire plus de pétrole grâce à l’injection de CO₂, et aujourd’hui remaquillées en solutions vertueuses sous l’étiquette CSC. Selon l’Institut pour l’économie de l’énergie et l’analyse, 70 à 90 % des projets actuels de séquestration servent principalement à prolonger l’exploitation des hydrocarbures, et non à réduire durablement les émissions.

Par ailleurs, la rentabilité économique et l’efficacité réelle de ces projets restent incertaines. Le coût du stockage avoisine les 200 euros la tonne de CO₂, bien supérieur au prix du quota sur le marché carbone européen, ce qui pousse les industriels à préférer la compensation à bas coût à une transformation structurelle. Même avec les subventions massives issues des plans climat (comme l’Inflation Reduction Act aux États-Unis), les risques de fuite et les échecs techniques se multiplient, comme l’a démontré le projet pilote de Lacq en France ou encore la catastrophe invisible d’Aliso Canyon en Californie.

Le stockage du CO₂ devient ainsi une condition de survie pour les industries fossiles. Il permet de maintenir l’illusion d’un progrès technologique capable de neutraliser les effets de modèles industriels obsolètes, sans en remettre en cause les fondements. Le soutien politique croissant à cette solution, en France comme ailleurs, témoigne d’un glissement préoccupant dans les politiques climatiques : il ne s’agit plus de réduire la consommation de combustibles fossiles, mais simplement d’en masquer les conséquences.

Ainsi, la méthode d’enfouissement en mer du Nord ne doit pas être perçue comme une panacée pour la décarbonation industrielle. Si le techno-solutionnisme peut accompagner certains secteurs à court terme, notamment la cimenterie, celui-ci ne saurait remplacer une stratégie ambitieuse de décarbonation intégrale. La transition énergétique industrielle passe impérativement par la réindustrialisation, la relocalisation, l’électrification et l’innovation, pour répondre aux enjeux climatiques et sociaux de demain. Miser sur des technologies d’enfouissement revient à prolonger l’ère des fossiles sous un nouveau masque, alors qu’il faut en sortir définitivement, c’est pourquoi notre groupe s’abstiendra sur ce texte.

Marie-ClaudeVaraillas

Sénatrice de Dordogne
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À l’inverse, miser sur le stockage géologique sous-marin pour compenser les émissions actuelles, surtout hors secteur cimentier, revient à repousser le problème à plus tard. Cette méthode ne s’attaque pas à la racine du problème : la dépendance aux énergies carbonées et la persistance de procédés industriels polluants.

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