Abrogation de la loi "Hue"

Publié le 17 décembre 2002 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Thierry Foucaud, Paul Loridant, Robert Bret et Roland Muzeau

Thierry Foucaud. Ce contrôle de l’aide publique aux entreprises serait, paraît-il, inutile, coûteux et procéderait de l’affichage politique. Soyons clairs : vous voulez maintenir sur l’utilisation de l’argent public accordé aux entreprises une sorte de secret, comme si le législateur et le citoyen n’avaient pas le droit de savoir ce qui est fait de ces sommes. Votre mot d’ordre c’est : que la France d’en haut profite, que la France d’en bas subisse !

Aux termes de la loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2003, le total des exonérations de charges sociales accordées aux entreprises dépasse le budget du ministère du Travail : 15,8 milliards de francs ! Et l’on ne devrait pas regarder à quoi servent ces sommes considérables, qui, en outre, ne sont qu’une partie des cadeaux faits aux entreprises puisqu’il faut y ajouter les aides fiscales à l’investissement ?

La Commission nationale de contrôle a toute son utilité quand elle cherche à faire en sorte que les deniers publics accordés pour favoriser l’emploi sont bien utilisés. Surtout, en un moment où les plans sociaux se multiplient !

Messieurs de la majorité, arrêtez donc de ne donner satisfaction qu’au Médef et de n’être réceptifs qu’aux vœux du grand patronat. Mais il est vrai que le ministre des Finances lui- même vient du monde de l’entreprise. Cela fait craindre le pire.

La loi du 4 janvier 2001 est une loi de bon sens : l’utilisation des fonds publics doit être contrôlée dans les entreprises comme ailleurs. Je vous demande donc de repousser cet amendement, contradictoire avec ce que, soi-disant, vous défendez, à savoir la transparence dans l’utilisation des ressources publiques.

Paul Loridant. Hier soir, un collègue de la majorité nous proposait un amendement instituant des aides fiscales pour les entreprises s’installant dans les zones urbaines sensibles. Tout au long de ce collectif, on propose des amendements systématiquement favorables aux entreprises, au nom du dynamisme économique et de l’emploi : très bien !

Cet amendement revient sur une disposition de bon sens. L’État, les régions ou les départements et les communes accordent des aides aux entreprises pour développer l’emploi ou contribuer à l’aménagement du territoire.

Il arrive, me semble- t-il, que les entreprises aidées ferment un ou deux ans après avoir reçu ces aides. Et l’on voit alors des parlementaires de tous bords monter au front contre ces entreprises, qu’elles soient japonaises ou autres, que cela se passe en Lorraine ou ailleurs…

Il est normal que les pouvoirs publics, et notamment les parlementaires, disposent d’une procédure de vérification de l’emploi des fonds publics et que, en cas de mauvaise gestion, ils demandent des comptes.

Lorsque le P.D.-G. de Michelin annonçait l’augmentation des dividendes en même temps qu’un plan de restructuration et de licenciement, tout le monde politique s’en était ému. Et maintenant, vous voulez revenir sur cette loi de manière honteuse !

Ayez le courage d’assumer votre position. Si, à l’avenir, des fonds publics disparaissent au détriment des salariés, vous vous serez faits les complices de cette disparition !

Robert Bret. À l’occasion du collectif, voilà que M. Oudin, qui appartient à l’U.M.P. et qui est ancien trésorier du R.P.R propose de supprimer une loi sur le contrôle de l’utilisation des fonds publics.

Il ne se passe pas une journée sans que vous n’invoquiez la réduction des déficits publics et notre débat sur la loi de finances en témoigne, mais dans vos départements, vous protestez contre la fermeture des entreprises et la multiplication des plans sociaux.

Ainsi, dans les Bouches-du-Rhône, Gemplus envisage de supprimer près de 500 emplois alors que cette entreprise a bénéficié de subventions conséquentes et d’exonérations fiscales. Or, tandis que dans le département les parlementaires de droite crient au scandale, au Parlement, vous donnez raison à Gemplus et à la Bourse ! Et je pourrais multiplier les exemples !

Sous prétexte que cette loi a été proposée par Robert Hue, vous voulez la supprimer ! Pourtant, les exonérations de cotisations sociales se monteront l’année prochaine à près de 16 milliards d’euros, soit 100 milliards de francs, et vous ne voulez pas savoir ce qu’il en adviendra ?

Qui parle vrai ? Le parlementaire qui s’exprime dans son département au nom des Français d’en bas où celui qui, à Paris, défend ses amis du Médef ? Avec cet amendement, les choses sont au moins claires : nous savons maintenant à qui nous avons affaire

Roland Muzeau.La suppression de la commission de contrôle des fonds publics devait intervenir en catimini la nuit dernière mais, heureusement, la discussion se déroule au grand jour.

L’amendement de M. Oudin, en service commandé et ancien trésorier du R.P.R a pour but de faire tomber une chape de plomb sur les milliards qui ont été dépensés en pure perte au nom de la création d’emplois ! On voit ce qu’il en a été avec, entre autres, Whirlpool, Daewoo et Moulinex, que vous connaissez bien, monsieur le Ministre.

Le président du conseil d’administration de l’UNEDIC a d’ailleurs récemment déclaré qu’il fallait mettre un terme à ces abus, or vous voulez instaurer plus d’opacité ! En fait, vous ne voulez surtout pas que les Français sachent à combien se montent les cadeaux que vous faites au Médef ! En fait vous avez choisi le Médef et le patronat contre les salariés.

Paul Loridant

Ancien senateur de l'Essonne

Robert Bret

Ancien sénateur des Bouches-du-Rhône
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Roland Muzeau

Ancien sénateur des Hauts-de-Seine

Thierry Foucaud

Sénateur de Seine-Maritime
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Ses autres interventions :

Autonomie financière des collectivités territoriales

En ouverture des débats, Paul Loridant a rappelé les raisons de l’opposition du groupe CRC : « Ce projet révèle la vision libérale de la décentralisation mise en œuvre par le gouvernement. Il ne peut en résulter qu’une insécurité financière pour les collectivités et une rupture d’égalité entre les citoyens. Le spectre d’une explosion de la fiscalité locale se précise, puisque les compétences transférées ne sont pas compensées par des contreparties adéquates. »

Chez OCT, les "patrons voyous" frappent de nouveau

A l’occasion d’une question d’actualité, Paul Loridant est revenu sur le cas de l’entreprise OCT, dans l’Essonne, nouvelle illustration du comportement des "patrons voyous". Le pouvoir actuel, a estimé le sénateur-maire des Ulis à l’adresse de François Fillon, porte une lourde responsabilité dans ce genre d’affaires : "Au-delà de toutes les déclarations de compassion, spécialité de ce gouvernement, pour les victimes des plans sociaux, vous conduisez une politique d’austérité salariale et budgétaire. Les plans sociaux et les patrons voyous peuvent être dénoncés par le gouvernement. La réalité, têtue, vous rattrape."

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