En l’état, le texte issu des travaux de la commission des lois ne nous satisfait pas

Ordonnance créant l'établissement public Paris La Défense

Publié le 20 juillet 2017 à 19:59

Monsieur le président, monsieur le ministre – je vous adresse mon amical salut –, mes chers collègues, le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui, qui vise à la création, par fusion de l’EPADESA et de Defacto, d’un établissement public unique nommé Paris-La Défense, revêt des enjeux politiques et financiers colossaux. Il serait hypocrite de le cacher.

Les intentions affichées par certains d’en faire, bien au-delà du quartier d’affaires historique, le réceptacle des retombées possibles du Brexit le prouve.
Je ne reviendrai pas sur l’historique des séparations et fusions successives qui jalonnent ce dossier et des querelles qu’il a occasionnées.

Mon groupe, l’année dernière, s’était prononcé favorablement sur l’article 55 de la loi relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain approuvant la création d’un établissement public local unique.

Nous avions d’ailleurs défendu des amendements visant à clarifier le périmètre et à réagir à l’introduction en dernière minute, par amendement du gouvernement, du conseil départemental dans la liste des acteurs associés au sein de cet établissement public local.

Aujourd’hui, nous franchissons une étape de plus avec la ratification de l’ordonnance portant création de cet établissement public.

Je voudrais dire un mot d’abord sur les personnels de ces deux établissements. L’ordonnance, ainsi que nos précédents débats, est quasi muette à leur sujet, si ce n’est pour dire qu’ils seront transférés au nouvel EPL au même titre que les « biens, droits et obligations » !

J’attire votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur leurs vives inquiétudes, du fait de multiples interrogations laissées sans aucune réponse.

En l’état, le texte issu des travaux de la commission des lois ne nous satisfait pas. Notre vote final dépendra donc du sort qui sera réservé à nos amendements, notamment nos amendements n os 1 et 2 rectifié bis.
Le premier point de divergence avec la commission et M. le rapporteur porte sur le périmètre. Vous proposez de supprimer toute notion de « périmètre », allant ainsi à l’encontre des engagements du Premier ministre de l’époque, de la ministre du logement devant les deux assemblées et de la rédaction même de l’article 55, autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Cela questionne à nouveau sur le recours à l’ordonnance pour légiférer sur cette question.

Pour justifier la réécriture de l’article 2 de l’ordonnance, vous nous expliquez, monsieur le rapporteur, que la définition de ces périmètres fera l’objet de « décrets en Conseil d’État pris après avis des communes concernées et au plus tard dans les six mois suivant la création de cet établissement public local, soit le 1er juillet 2018 ».

Soyons précis : les décrets pourront intervenir après la création de l’EPL. On créerait ainsi l’EPL sans avoir au préalable défini son périmètre, soit son ADN. Étrange méthode !

Ce n’était pas l’intention du législateur au moment de voter l’article 55 du projet de loi dont vous étiez déjà le rapporteur, monsieur Darnaud, et c’est bien pour cela qu’un périmètre avait été déjà délimité.

Que proposons-nous par l’amendement n° 1 ? Non pas de revenir à la rédaction initiale de l’article 55 – c’est une manière caricaturale de le présenter –, mais d’apporter une nuance au regard des réalités locales.

Certes, nous réintroduisons bien la référence à l’opération d’intérêt national, ou OIN, visée au 2° de l’article R. 102-3 du code de l’urbanisme. Cependant, nous prévoyons qu’au-delà de ce périmètre historique du quartier d’affaires – que nous nommons « la dalle » entre nous –, toutes les opérations se fassent via une convention conclue entre le territoire concerné et l’EPL.

C’est d’ailleurs parfaitement conforme à la pratique qui a cours entre l’EPADESA et les communes, comme nous l’ont rappelé les représentants au comité d’entreprise des salariés de l’EPADESA, que nous avons, nous, auditionnés.
Notre proposition de rédaction ne sort donc pas de nulle part. Elle est cohérente avec ce qui se pratique déjà sur le terrain. Il n’est donc pas vrai de dire que nous proposons juste un retour à la rédaction initiale.

Nous formulons d’autres propositions d’amendements ayant notamment pour objet la composition du conseil d’administration. Nos craintes, exprimées en décembre dernier, quant à l’introduction du conseil départemental dans la liste des acteurs associés, se confirment à la lecture de la composition des membres désignés par ce même conseil.

Nous proposons donc d’introduire un peu de « pluralisme », et donc d’équilibre, dans la composition du conseil d’administration.

Ce sera l’objet de l’amendement n° 2 et de son sous-amendement.
J’ai parlé « d’équilibre ». Je crois que c’est vers quoi nous devons tendre, s’agissant de ce territoire qui accueille certes un quartier d’affaires avec ses salariés, mais aussi des habitants, des services publics, des activités.
Ne refaisons pas l’erreur de ne prendre en compte que le seul prisme économique, financier devrais-je dire, car les enjeux en termes d’équipements, de logements, notamment sociaux, de services publics et de défi environnemental, et au final de « vivre ensemble », sont considérables.

Ce projet, au sein d’un département certes riche, mais inégalitaire et en proie à de fortes disparités, peut permettre de rééquilibrer la balance en faveur des populations et des territoires.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que nous cheminions ensemble dans cette voie.

Brigitte Gonthier-Maurin

Ancienne sénatrice des Hauts-de-Seine
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