Le deuxième congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants qui se déroule à Yokohama constitue à la fois un facteur d’espoir et un sujet d’inquiétude. Ce congrès a permis une mobilisation sans précédent à propos d’atteintes intolérables à la personne des enfants. Plus de 3 000 participants, de 132 États, sont en effet réunis, représentant délégations ministérielles, organisations non gouvernementales, Nations unies, secteur privé, journalistes et jeunes.
Hélas, la tenue de cette conférence le prouve, les phénomènes de traite, de prostitution et de pornographie enfantine sont loin d’être éradiqués ; ils sont même en constante augmentation, non seulement dans les pays en développement mais également dans les pays développés. Chaque année, ce sont des millions d’enfants qui sont « vendus et achetés comme du bétail et [qui] deviennent les esclaves sexuels » dénonçait hier Mme Bellamy, directrice générale de l’Unicef. Le développement des technologies de communication internet notamment a contribué à cet essor inquiétant de l’exploitation des enfants.
Le protocole du 25 mai 2000 va incontestablement dans le bon sens. Il s’inscrit dans le droit fil de la convention n° 182 de l’O.I.T. relative aux pires formes de travail des enfants, de la convention contre la criminalité transnationale du 15 novembre 2000 et son protocole additionnel sur la traite des êtres humains le projet de loi de leur ratification a été déposé sur le Bureau du Sénat cette semaine et de la décision-cadre en cours d’élaboration au niveau européen.
Le protocole donne corps aux articles 34 et 35 de la convention des droits de l’enfant qui enjoignent les États à prendre les mesures nécessaires à la protection des mineurs contre toute forme d’exploitation ou de violence sexuelle et la traite des enfants.
En harmonisant les définitions de vente d’enfants, de prostitution d’enfants et de pornographie mettant en scène des enfants, en leur donnant une acceptation large, en permettant d’incriminer une seule personne et en consacrant le principe d’extraterritorialité de la compétence des États, le protocole crée les outils répressifs pertinents rendant plus efficace la coopération inter- étatique.
Le protocole permet d’incriminer les adoptions internationales illégales et de lutter contre les formes insidieuses d’encouragement à la pédophilie en visant les représentations pornographiques des enfants, non seulement réelles mais également virtuelles.
Il est heureux que la France ratifie rapidement ce protocole. Notre pays confirme sa volonté d’être à la pointe de la lutte pour les droits de l’enfant, notamment contre les atteintes sexuelles.
Le tourisme sexuel, réprimé pénalement depuis la loi de 1998, a fait l’objet d’un premier procès criminel en octobre 2000. J’évoquerai également les innovations de la loi du 17 juin 1998 réprimant les infractions sexuelles ainsi que les mécanismes de protection des travailleurs sociaux qui dénoncent la maltraitance, mis en place par la loi relative à la lutte contre les discriminations et, pour les médecins, par la loi de modernisation sociale.
Cette autosatisfaction ne doit pas dissimuler l’aggravation des pratiques de délinquance sexuelle dans notre pays : pédophilie, viols collectifs, augmentation inquiétante quoique difficile à évaluer de la prostitution des mineurs, en provenance d’Afrique et des pays de l’Est.
On doit se féliciter que notre pays ait repris l’initiative en votant, dans le cadre du projet de loi sur l’autorité parentale des dispositions pénalisant ceux qui ont des relations tarifées avec des prostitués mineurs de 15 à 18 ans.
L’Assemblée nationale a renforcé le dispositif en sanctionnant la détention d’images pornographiques de mineurs et, dans un souci de protection, en imposant des mentions obligatoires sur les documents à caractère pornographique ou violent.
Le rapport de la mission parlementaire sur l’esclavage en France devrait constituer le détonateur d’une politique globale contre la prostitution. Vous venez d’indiquer, madame la Ministre, la création le 13 décembre dernier d’un groupe interministériel de lutte contre la prostitution des mineurs isolés.
Je me réjouis que la nécessité de protection des victimes, qui était au centre du congrès de Stockholm, soit réellement mise en avant.
Les propositions du rapport Lazerges doivent être rapidement mises en œuvre. Néanmoins, des points de résistance subsistent. Je tiens à évoquer à nouveau le sort des mineurs isolés en France dont une partie, disparaît dans les réseaux de prostitution.
Je continue de déplorer que les mineurs étrangers arrivant sur le territoire soient d’abord traités comme des étrangers et non comme des mineurs en danger. Je crains que le système de l’administrateur ad hoc en zone d’attente ne constitue une garantie purement formelle, en l’absence de recours suspensif.
Et les problèmes de recrutement, sont déjà patents, dans les tribunaux.
Je pense également à l’interdiction de la prostitution des mineurs qui ne peut être indéfiniment passée sous silence. Vous l’avez dit, madame la Ministre, « la prostitution des mineurs en France ou à l’étranger constitue une réalité sociologique indigne d’une société démocratique ». L’interdiction irait dans le sens d’une vraie politique abolitionniste. Elle permettrait de battre en brèche la vision persistante de la prostitution sous l’angle de l’activité commerciale. La convention de l’O.I.T. appréhendait la prostitution des enfants comme la « pire forme de travail ».
Je souhaiterais une réflexion plus avancée sur les causes amplement décrites par les études menées par les O.N.G. :
Conflits armés, pauvreté, traditions culturelles. J’ai été, madame la Ministre, particulièrement sensible à vos propos à Yokohama, relayant les préoccupations et les combats de nombreux militants dont les communistes depuis des années, dénonçant les excès du capitalisme sauvage et du libéralisme économique :
Oui, il y a bien « un modèle de civilisation à défendre face aux effets pervers de la mondialisation qui poussent à ce que tout devienne une marchandise, y compris le corps des enfants ».
Je vous remercie d’avoir posé en ces termes l’enjeu de la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants.
Nous devons nous interroger sur les façons de lutter dans les pays en voie de développement contre le Sida mais aussi sur les représentations occidentales de la fracture nord-sud.
Je conclus sur cet espoir d’une véritable introspection des pays occidentaux en annonçant le vote évidemment positif des sénateurs de mon groupe. (Applaudissements à gauche.)