Corse : l’urgence d’une gouvernance transparente

Création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de Corse

Publié le 3 juin 2025 à 14:33 Mise à jour le 5 juin 2025

Ce texte organise le transfert intégral des compétences de la CCI de Corse vers un établissement public particulier (sui generis) placé sous tutelle exclusive de la Collectivité de Corse.

Présenté comme une "rationalisation" des structures consulaires et une reconnaissance des spécificités insulaires, il dissimule en réalité une recentralisation préoccupante du pouvoir économique dans un contexte territorial nécessitant une vigilance accrue contre les risques de captation d’intérêts.

Certes, comme le souligne le rapport de la commission des lois, « le schéma retenu, a été conçu pour que puisse jouer l’exception de « quasi régie » qui permettra à la collectivité de confier au nouvel établissement la gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires sans mise en concurrence préalable » et éviter ainsi une forme de privatisation.

Toutefois ce projet de loi qui poursuit la logique de différenciation territoriale soulève plusieurs points qui méritent notre attention.

Tout d’abord on peut craindre une gouvernance confiscatoire. En effet, la mainmise de l’exécutif de la collectivité sur le nouvel établissement public étouffe la représentation équilibrée des entreprises. Cette recentralisation suscite des interrogations sur la capacité à maintenir une représentation équitable et à préserver le lien de confiance entre les entreprises insulaires et leurs instances consulaires. La proximité, pilier de l’efficacité consulaire, risque de s’amoindrir si les préoccupations locales ne sont pas suffisamment prises en compte.

Ce transfert de compétences vers un établissement public sous tutelle exclusive, sans mécanisme indépendant de contrôle, ignore délibérément que la concentration des pouvoirs économiques et l’absence de transparence dans la gestion des infrastructures stratégiques comme les ports, aéroports, sont des vecteurs de fragilités.

En n’accompagnant pas la création de cet EPIC d’audits externes contraignants ce projet institutionnalise un modèle vulnérable.

De plus, la fusion des chambres consulaires entraînera des réorganisations internes, avec des mobilités fonctionnelles ou géographiques potentielles. Si ces transformations ne sont pas anticipées de manière adéquate, elles pourraient être sources de contentieux sociaux. Nous devons veiller à garantir la continuité des droits des personnels, qu’ils soient statutaires ou contractuels, et à accompagner les éventuelles transitions.

Enfin, le choix d’un EPIC (Établissement Public Industriel et Commercial) plutôt qu’un EPA (Établissement Public Administratif), aligné sur les autres CCI du territoire, interroge sur la représentation consulaire et ses fondements institutionnels.
Un EPIC, davantage orienté vers des missions opérationnelles et commerciales, risque de diluer la mission de représentation des intérêts économiques collectifs et d’ouvrir la voie à une externalisation accrue, voire à une privatisation rampante.

À cet égard, l’avis du Conseil d’État recommandant un retour à un EPA devrait être sérieusement pris en considération.

Compte tenu de ces réserves, et bien que nous reconnaissions la nécessité de réformer et de moderniser les structures consulaires en Corse, nous considérons que le projet de loi, dans sa forme actuelle, présente des risques significatifs pour la gouvernance, les personnels et l’intégrité du service public économique.
C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra.

Marie-ClaudeVaraillas

Sénatrice de Dordogne
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