Dans sa décision du 20 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a rappelé que la liberté de mariage est protégée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le caractère irrégulier du séjour d’un des époux ne peut faire obstacle en lui-même au mariage. Cette liberté du mariage est aussi protégée par la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
La liberté de mariage n’est cependant pas absolue. Le législateur peut fixer des conditions, dans le respect de la Constitution. Le code civil prévoit quatre limitations : en cas de minorité, de polygamie, de consanguinité et d’absence de consentement libre et éclairé.
Ces bornes sont justifiées par la protection des individus. Le mariage est une institution juridique qui révèle qui nous sommes en tant que société. Ces limites sont peu nombreuses, car nous touchons à l’intime. Si la République s’insère dans le couple, c’est pour protéger les individus.
Si vous souhaitez nous prémunir des mariages forcés et arrangés, la loi permet déjà la prévention et l’interdiction.
Plongeons-nous dans le code civil : en cas de doute sérieux sur la légalité du mariage, l’officier d’état civil saisit le procureur de la République, qui enquête et peut trancher par décision motivée. Il y aurait quelques centaines de cas, chaque année, d’oppositions au mariage formulées par le procureur de la République.
Certains trouvent ces chiffres insuffisants. Correspondent-ils à un agenda politique, une estimation personnelle plus arrangeante ?
En donnant au procureur la possibilité d’interdire le mariage, nous protégeons les maires ; ce n’est pas anodin en cette période de violences croissantes. Cependant, si le maire ne respecte pas la loi, il sera sanctionné, car chacun est égal devant la loi. La peine peut atteindre cinq ans de prison, 75 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité.
Nous ne sommes pas derrière l’extrême droite, mais derrière ceux qui défendent les valeurs de la République.
Les maires sont bien loin de ces débats stériles. Les difficultés de la fonction ne sont pas liées à ces mariages. Il faut plutôt les accompagner au quotidien dans leurs missions. Qu’avez-vous à gagner à soutenir un texte aussi bancal juridiquement ? Pensez-vous protéger la France en piétinant un droit fondamental ?
Cette proposition de loi est un leurre, un écran de fumée faisant oublier l’absence de réponse sur des sujets cruciaux : emploi, logement, santé, éducation... On évite de parler des politiques sociales en échec ou des causes profondes des flux migratoires.
Cela révèle une soumission aux logiques électoralistes les plus cyniques. À qui donnez-vous des gages ? Notre assemblée mérite mieux que des calculs partisans au mépris de l’État de droit.
L’irrégularité du séjour ne constitue pas un défaut de consentement systématique. Ensuite, notre droit n’est pas exempt d’absurdités. S’il n’est pas possible d’embaucher un étranger sans autorisation de travail, le salarié étranger peut demander un titre de séjour s’il présente des bulletins de salaire, pourtant illicites, et il sera protégé. C’est heureux. Ce sont des êtres humains : la précarité administrative ne peut être la condition d’une vie sans droits.
À l’inverse des autres pays européens, la France délivre systématiquement une OQTF quand une personne est présente depuis plus de trois mois sur le territoire national en situation irrégulière. Nous avons le taux le plus important d’OQTF, et donc le taux d’exécution le plus bas. Avoir une OQTF ne fait pas de vous quelqu’un de dangereux, mais de précaire.
Quelle direction voulons-nous prendre ? Monsieur le garde des sceaux, en 2023, vous vous opposiez à des amendements similaires, ironisant sur le fait qu’il faudrait modifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ne cédons pas aux sirènes de l’extrême droite : le piège est trop grand, et les conséquences si graves.