Sans contre-pouvoirs, il n’y a plus de République, il n’y a que l’arbitraire ! Pour le ministre de l’intérieur, l’État de droit n’est ni intangible ni sacré. Mais si l’État de droit est négociable, plus rien ne nous protège.
Depuis des mois, cet hémicycle est monopolisé par des textes sur l’immigration : remise en cause des accords avec l’Algérie, interdiction de mariage pour les sans-papiers, remise en cause des allocations versées aux étrangers en situation régulière... Il s’agit, cette fois, de retirer aux associations leur rôle d’information juridique.
Ce texte porte manifestement atteinte aux libertés fondamentales, en particulier au droit à un recours effectif, garanti par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme. Sous couvert d’efficacité, on prétend affaiblir un peu plus encore l’État de droit. Vous assumez de rendre le droit moins lisible et accessible, pour réduire la possibilité des personnes enfermées de disposer d’une information neutre et efficace.
L’Ofii est sous la tutelle du ministère de l’intérieur. En lui confiant la mission d’informer les personnes retenues, vous voulez en finir avec la présence d’acteurs indépendants dans les CRA : les associations, comme France Terre d’asile et la Cimade, qui, depuis plus de quarante ans, assument cette mission avec rigueur et engagement.
Ce sont les seuls acteurs présents au quotidien dans les CRA. Pourquoi les écarter ? Pas parce qu’elles feraient mal leur travail, ni parce qu’elles coûteraient trop cher - 7 millions d’euros par an, soit 0,4 % du budget de la politique d’éloignement -, ni parce qu’elles manqueraient à leurs missions. Ce que vous leur reprochez, c’est leur indépendance ; ce qui vous est insupportable, c’est qu’elles jouent leur rôle de vigies citoyennes dans des lieux où l’arbitraire menace.
Elles s’assurent que les droits sont respectés en traduisant, expliquant, écoutant, dans des délais très contraints : 48 heures pour une mesure d’éloignement, 96 heures pour une prolongation de détention. Elles aident les personnes à comprendre les procédures, à contacter un avocat. Les avocats reconnaissent que, sans elles, leur travail deviendrait impossible.
Comment imaginer que la main qui enferme soit aussi celle qui informe pour permettre aux personnes de se défendre ? Le Conseil d’État l’a dit en 2009 : l’accompagnement juridique doit être assuré par des personnes morales indépendantes. De même, le Pacte européen sur la migration et l’asile proscrit tout conflit d’intérêts pour les personnes exerçant la mission d’information. Or l’Ofii dépend du ministère qui organise les éloignements et qui enferme. Lui confier la mission d’informer est incohérent et contraire à nos principes fondamentaux.
En outre, l’Ofii n’a pas les moyens de mener à bien ses missions. Sur 47 000 dossiers, il n’a mené que neuf évaluations de vulnérabilité... Il n’aurait pas non plus la confiance des personnes concernées, puisqu’il apparaîtrait comme l’exécutant d’une politique répressive, assumée par le ministre.
Vous prétendez que les avocats compenseront, mais, contrairement aux associations, ils ne sont pas présents en continu dans les CRA. Sans les associations, l’accès au droit deviendrait illusoire : qui assurera les traductions, qui préparera les recours ? En réalité, vous voulez moins de recours en supprimant les conditions qui permettent leur exercice !
Ce n’est pas une réforme, c’est un effacement : vous voulez faire taire les associations parce qu’elles offrent un regard indépendant et alertent sur les entorses à nos principes. Mais tout être humain a le droit d’être défendu. Ce texte affaiblit, abîme, détruit. La République ne devrait pas s’arrêter aux portes des centres de rétention !