Le pouvoir de contrôle du Parlement est très faible

Moyens de contrôle du parlement

Publié le 27 avril 2010 à 09:45 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de M. Accoyer, président de l’Assemblée nationale, que nous examinons ce soir vise, selon son auteur, à participer à la mise en œuvre de l’article 24 de la Constitution établissant les prérogatives du Parlement en matière de contrôle du Gouvernement et d’évaluation et des politiques publiques.

Cet article, modifié par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, est censé garantir les nouveaux pouvoirs du Parlement et le rééquilibrage des institutions à son profit.

Ce qui était mis en avant voilà bientôt deux ans comme une grande avancée démocratique – certains ministres ont même parlé de « révolution » ! – apparaît aujourd’hui plutôt mince…

Depuis des années, le Parlement souffre d’un déséquilibre des institutions. La loi de 2008, qui affirme le pouvoir du Président de la République, a marqué un tournant. Nous avions alors souligné que l’effacement du Gouvernement et l’absence de responsabilité du Président de la République devant les assemblées risquaient de créer une rupture institutionnelle. Celle-ci apparaît nettement aujourd’hui.

Certes, la pratique de Nicolas Sarkozy a joué un grand rôle dans cette évolution, mais comment ne pas constater que la limitation du droit d’amendement à l’Assemblée nationale et le maintien d’un nombre pléthorique de projets ou de propositions de loi, alors que le Gouvernement dispose d’un temps parlementaire réduit de moitié, affaiblissent considérablement le Parlement dans son rôle essentiel, qui est de faire la loi ?

Contrôler le Gouvernement ne devrait-il pas d’abord consister, pour les parlementaires, à pouvoir contrôler l’action législative du Gouvernement ?

De plus en plus nombreux sont ceux qui, sur toutes les travées, notent le dérapage démocratique, voire la généralisation du fait du prince. Le Parlement est asphyxié par une utilisation politicienne de la loi, devenue trop souvent loi d’affichage ou loi d’opinion.

Il faut rappeler cette réalité tant le contenu du texte que nous examinons ce soir est en décalage avec la réforme institutionnelle profonde qui serait nécessaire pour rétablir les prérogatives du Parlement et de ceux qu’il représente, les citoyens.

Je m’arrêterai sur trois points de la proposition de loi de M. Accoyer, modifiée par l’Assemblée nationale et trois commissions du Sénat.

Premièrement, je note que, après avoir supprimé des offices et instances obsolètes, l’Assemblée nationale a créé une instance de contrôle, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, alors que le Sénat a concentré les objectifs constitutionnels de l’article 24 dans les mains des commissions des finances et des commissions des affaires sociales.

Je tiens tout de même à rendre hommage à M. Arthuis, qui n’hésite pas à rappeler cette réalité, dont il tire d’ailleurs avantage. Il souligne que, au sein du comité de contrôle et d’évaluation des politiques publiques de l’Assemblée nationale, les droits de l’opposition sont garantis pour chaque groupe politique, chacun d’entre eux pouvant obtenir un rapport d’évaluation au cours d’une session parlementaire. Il rappelle ensuite que, au Sénat, ce sont les commissions permanentes qui remplissent le rôle du CEC. Ce qu’il ne précise pas, c’est que c’est la majorité dans les commissions qui décide ! Par principe, aucun droit n’est reconnu aux groupes d’opposition.

Il serait donc utile de garantir le droit de l’opposition, d’ailleurs constitutionnel, lors de la réforme annoncée du règlement.

Deuxièmement, j’observe que les travaux parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, tendent à renforcer les prérogatives de la majorité en matière de contrôle et d’évaluation.

La proposition de loi ne concerne plus les missions ou autres délégations qui, notamment à l’Assemblée nationale, peuvent être présidées par l’opposition. Ainsi, les rapporteurs de ces instances ne bénéficieront-ils pas, par exemple, de certaines prérogatives réservées aux rapporteurs de commission d’enquête.

De même, il est dorénavant prévu que seuls les présidents des assemblées pourront saisir la Cour des comptes, « de leur propre initiative ou sur proposition » d’une instance de contrôle. Le texte initial prévoyait que cette instance pouvait solliciter directement l’aide de la Cour des comptes.

Troisièmement, M. Arthuis tente de faire passer une réforme des juridictions financières qui, dans les faits, tendrait à supprimer les chambres régionales des comptes, au nom d’une hypothétique efficacité de contrôle.

Comment ne pas constater que les amendements de M. Arthuis s’inscrivent dans un contexte de restriction des moyens d’action de l’État et des collectivités territoriales ?

Nous voterons résolument contre ces propositions et nous espérons que la majorité sénatoriale maintiendra son opposition exprimée en commission.

Sur l’ensemble de la proposition, nous nous abstiendrons, car nous ne souhaitons pas empêcher l’installation du comité de contrôle et d’évaluation à l’Assemblée nationale, qui ouvre tout de même un petit espace à l’intervention de l’opposition.

Josiane Mathon-Poinat

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