Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont l’élaboration a été provoquée par la censure du Conseil constitutionnel du 16 mai dernier, vise à apporter les corrections nécessaires pour assurer une meilleure représentation des Parisiens lors des prochaines élections municipales.
Pour notre part, vous le savez, nous sommes favorables à tout ce qui permet de nous rapprocher d’une représentation de chaque électeur à égalité. Ce n’était plus le cas à Paris où l’évolution démographique, conjuguée à une répartition figée et ancienne du nombre de conseillers de Paris par arrondissement, avait abouti à des distorsions grandissantes du rapport entre le nombre d’élus et le nombre d’électeurs. Les tendances démographiques se sont en effet nettement modifiées dans la capitale depuis maintenant plus d’une décennie.
Je veux ouvrir une parenthèse à ce propos, en rappelant que la capitale s’est vidée de ses habitants dès le milieu des années cinquante. Cette évolution a été accélérée par la gestion de la droite. Celle-ci a favorisé de nombreux programmes immobiliers de transformation d’appartements en bureaux, ce qui a contribué de manière importante à cette baisse, particulièrement rapide dans les années soixante et soixante-dix. Ainsi, la population parisienne est passée de 2 790 000 habitants en 1962 à 2 299 000 habitants en 1975, soit une chute de près de 500 000 habitants.
M. Bruno Sido. C’est énorme !
M. Pierre Laurent. Les classes populaires ont été chassées vers la périphérie, avec les conséquences que l’on connaît.
Cette baisse de la population a été ininterrompue jusqu’en 2006, la population parisienne étant à peine supérieure, aux alentours des années 2000, à 2 000 000 d’habitants.
Depuis 2006, donc, cette tendance s’est inversée et cette évolution est surtout due aux quartiers populaires de la ville, les arrondissements centraux et les VIIe, VIIIe et XVIe arrondissements continuant à perdre des habitants.
La gestion de gauche de la ville, depuis deux mandats, n’est évidemment pas pour rien dans ce regain démographique, qui, je l’espère, se poursuivra grâce à l’amplification de la lutte contre la spéculation immobilière et à la multiplication des logements sociaux pourvus de suffisamment d’équipements publics et culturels de qualité, afin d’éviter la paupérisation en cours dans de nombreuses autres grandes villes du monde.
Pour tenir compte de ces changements démographiques, aux répercussions évidemment importantes dans la vie des Parisiens, les parlementaires communistes ont proposé, dès les années 2000, une modification de la répartition des conseillers de Paris, qui n’avait pas changé depuis 1982.
Nicole Borvo Cohen-Seat, qui m’a précédé au Sénat, avait, le 10 janvier 2002, au cours du débat concernant le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, présenté un amendement en vue de faire évoluer cette répartition pour respecter la réalité de la population et prendre en compte les recensements connus. Elle s’était alors heurtée non seulement au refus catégorique de la majorité de droite du Sénat, mais aussi au refus du ministre de l’intérieur de l’époque, M. Daniel Vaillant.
Quatre ans plus tard, elle déposait une proposition de loi allant dans le même sens, sans rencontrer plus de succès, et, par la suite, d’autres parlementaires dont vous faites effectivement partie, monsieur le rapporteur, ont également exprimé cette exigence.
Je me réjouis donc que, aujourd’hui, nous nous retrouvions ensemble, à gauche, pour soutenir cette proposition de loi. En effet, le groupe CRC a toutes les raisons d’appuyer ce texte, qui tient compte des évolutions démographiques et tend à améliorer les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel.
En remettant en cause l’intégralité du tableau des conseillers de Paris et la règle, qu’il avait validée en 1982, de représentation minimale de trois conseillers de Paris par arrondissement, ce dernier a imposé l’adoption rapide d’une nouvelle disposition législative avant les prochaines échéances municipales. Cette modification va permettre de garantir un plus grand respect de l’égalité devant le suffrage, parfaitement compatible avec le cadre historique des arrondissements.
Si l’injonction législative n’est pas notre tasse de thé, les dispositions ici proposées représentent une réelle amélioration, qui aurait déjà dû intervenir.
La proposition de loi tend aussi à mettre fin à l’obligation faite aux maires d’arrondissement d’être également membres du conseil municipal. Cette disposition est rendue nécessaire par l’adoption du nouveau tableau, mais elle pourrait aussi trouver son utilité en cas de décès ou de démission des maires d’arrondissement élus initialement.
À l’inverse de ce qu’ils recherchaient, vous l’avez suggéré, monsieur Charon, c’est la saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires de droite qui a conduit à la décision rendue, nous invitant à respecter mieux encore le principe d’égalité devant le suffrage.
Se retrouvant aujourd’hui dans la position de l’arroseur arrosé, au lieu de prendre acte tranquillement de ce nouvel état de fait, la droite s’acharne à présent dans une fuite en avant en proposant de « bonapartiser » la fonction de maire de Paris, méconnaissant au passage l’attachement des Parisiens à leur maire d’arrondissement, sauf peut-être la mairie du VIIe arrondissement, à propos de laquelle je me souviens que la droite s’est beaucoup battue. C’est d’autant plus cocasse que jusqu’en 1975 la droite avait privé les Parisiens d’un maire ! Les arguments de la droite sont donc bien politiciens.
Pour notre part, ce qui nous intéresse, c’est que le présent texte participe à une amélioration très nette du système électoral parisien. Nous allons donc le voter, parce que nous pensons qu’il atteint un point d’équilibre satisfaisant.