Une logique entrepreneuriale dans la fonction publique

Dialogue social dans la fonction publique : conclusions de la CMP

Publié le 22 juin 2010 à 07:20 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte soumis aujourd’hui à notre examen pour une ultime fois avait initialement pour ambition de transposer au niveau législatif les accords de Bercy conclus le 2 juin 2008 entre le Gouvernement et six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique.

Sur certains points, ce texte a tenu ses promesses. Le projet de loi étend bien le champ des négociations dans la fonction publique, consacre le principe des accords majoritaires, met fin à la condition de représentativité des syndicats, crée un Conseil commun de la fonction publique, instaure une reconnaissance des compétences acquises dans l’exercice d’un mandat syndical.

Mais, contrairement à ce qui était souhaité par les syndicats et qui avait été décidé en 2008, ce même texte a outrepassé les accords de Bercy, supprimant, dans un premier temps, toute trace de paritarisme au sein des instances consultatives de la fonction publique. Ces instances, supposées être des lieux d’échanges et de dialogue entre les représentants de l’administration et ceux des organisations syndicales, seront désormais vouées à ne plus connaître que des dialogues de sourds, sans aucun réel affrontement d’idées.
Même si un amendement voté à l’Assemblée nationale a permis aux collectivités territoriales qui le souhaitent de rétablir le paritarisme, il s’agit là d’une exception face à une règle que nous ne validons pas.

En outre, ce projet de loi introduit une logique entrepreneuriale dans la fonction publique, en instaurant des primes de fonction et de résultats, des intéressements collectifs et une forme de parachute doré pour certains cadres des corps de catégorie A. Une fois encore, nous ne comprenons pas l’acharnement manifeste du Gouvernement à vouloir calquer le fonctionnement du secteur public sur celui du secteur privé.

D’une part, nous pensons que la fonction publique et les services publics ont vocation à ne pas fonctionner comme le secteur privé, puisqu’ils reposent sur des conceptions et des principes totalement différents. Émanations de l’État démocratique, la fonction publique et les services publics sont d’une certaine façon missionnés par les citoyens et au service de ces derniers ; en revanche, le secteur privé est animé par une logique concurrentielle et de marché.
D’autre part, rien ne démontre une supériorité en termes d’efficacité du secteur privé par rapport au secteur public. De nombreux exemples, en France comme dans le reste de l’Europe, ont montré que les privatisations ou l’intrusion des règles managériales dans la fonction publique n’avaient apporté qu’une régression des services attendus et une augmentation de leur coût.
Enfin, un cavalier législatif déposé par le Gouvernement, au plus grand mépris du Parlement et de sa fonction démocratique, est venu modifier le régime de retraite des quelque 270 000 personnels infirmiers de l’hôpital public. L’adoption de cet amendement honteux, introduit à la dérobée dans un texte qui n’avait rien à voir avec ce sujet, a permis de régler le sort de ces professions paramédicales à toute vitesse. En outre, comme ce nouvel article a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, il ne faisait pas partie des dispositions restant en discussion lors de la réunion de la commission mixte paritaire.

Certes, le Gouvernement peut être satisfait : cette martingale a fonctionné ! Désormais, les personnels infirmiers et paramédicaux devront individuellement choisir entre une rémunération légèrement revalorisée, à condition de partir à la retraite à partir de 60 ans, et une revalorisation quasi nulle s’ils maintiennent leur droit de partir à la retraite dès 55 ans. En somme, ces personnels paieront leur propre revalorisation salariale.

Ne serait-ce qu’en raison de l’introduction de cet article inacceptable, au mépris des organisations syndicales, nous voterons contre ce texte. En outre, le reste du projet de loi étant largement impropre à instaurer un véritable dialogue social dans la fonction publique, ce sera évidemment sans remords que nous agirons ainsi !

Josiane Mathon-Poinat

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