Courrier au Ministre des affaires étrangères et de l’Europe sur la position du groupe CRCE-K sur la guerre en Ukraine

Mise au point sur les interprétations de Jean-Noël Barrot

Publié le 11 mars 2025 à 14:53 Mise à jour le 13 mars 2025

Monsieur le ministre,
Je tiens, au nom de mon groupe, à vous faire part de ma vive réprobation quant à la nature, tant sur le fond que sur la forme, des réponses que vous nous avez adressées, à deux reprises, dans l’hémicycle du Sénat, le 4 mars et le 5 mars.

Nos deux interventions concernaient la situation en Ukraine et les récents développements internationaux.

Le 4 mars, à l’occasion du débat initié par le gouvernement, vous avez utilisé les termes suivants : « En tout état de cause, j’invite chacun à ne pas reprendre la rhétorique du Kremlin selon laquelle cette guerre n’est due qu’à l’expansion vers l’Est de l’OTAN. »

Plus loin, vous indiquez : « Je ne peux que m’inscrire en faux contre la proposition de Madame Cukierman de faire des concessions territoriales sans aucune garantie de sécurité. Cela constituerait tout simplement une capitulation de l’Ukraine. »

Monsieur le ministre, si je peux comprendre que l’extrême tension de la période puisse dénaturer l’acuité de la perception, vos propos sont outranciers et travestissent totalement le discours que j’ai tenu devant le Sénat.

Sur le premier point, si j’ai rappelé l’histoire douloureuse de cette partie de l’Europe et le ressenti de la Russie face à l’avancée de l’OTAN près de ses frontières, je n’ai jamais indiqué, comme vous le prétendez, que « la guerre n’est due qu’à l’expansion de l’OTAN. »

Dois-je vous rappeler les premières lignes de mon intervention ? : « Le 24 février 2025 a marqué la troisième année de la guerre d’agression menée par la Russie de Poutine contre l’État ukrainien. Je tiens à le rappeler avec force, cette agression militaire est injustifiable et constitue un crime, un crime contre le droit international, un crime contre la paix. Dès lors, je tiens, au nom de mon groupe, à saluer et exprimer ma profonde solidarité au peuple ukrainien. »

Plus loin, j’indiquais que « le choix de la guerre par Poutine était insensé, qu’il tournait le dos à l’aspiration humaine de vivre en paix. »

Et enfin, je poursuivais sur les trois points qui devaient nous intéresser : assurer la paix sur le continent européen, bloquer l’expansionnisme russe, échapper à la domination américaine. »
Ne vous retrouvez-vous pas dans ses trois priorités ?

Sur le deuxième point, j’ai indiqué « qu’une telle paix doit respecter la souveraineté de l’Ukraine et se fonder sur la Charte des Nations-Unies et les principes de sécurité collective en Europe tels qu’ils ont été définis dans l’acte final de la Conférence d’Helsinki. »

Auparavant, nous avions interrogé : « Comment mettre en place une paix durable qui garantirait la sécurité de chacun ? »

Et c’est dans ce cadre, clairement posé du respect de la souveraineté de l’Ukraine et de la garantie de sa sécurité comme de l’ensemble du continent européen, que j’ai indiqué « qu’il faut, dès maintenant, poser le principe qu’un éventuel compromis territorial imposé par les rapports de forces militaires devra, pour être internationalement reconnu, être (en plus des garanties de sécurité évoquées plus avant) ratifié démocratiquement par les citoyens des zones concernées. »
Je souhaiterais, Monsieur le ministre, qu’il soit ainsi bien établi que vos commentaires se fondaient sur une lecture approximative, voire fausse de mon intervention.

Signe de votre agacement face à notre position qui, pour garantir la sécurité de l’Ukraine, sa souveraineté, et préserver des milliers de vies, de soldats et de civils, privilégie l’option de paix à celle de la guerre, vous avez réitéré, le lendemain, en détournant les propos de mon collègue Pascal Savoldelli, Sénateur du Val de Marne, qui vous a interrogé lors de la séance de questions d’actualité au gouvernement : « N’ayons aucune indulgence à l’égard de Vladimir Poutine, assassinats, déportations, crimes de guerre, asphyxie de sa propre économie, désinformation. Est-ce que les européens déportent les enfants de la Russie ? ».

D’emblée, en séance, je vous ai rappelé à l’ordre comme l’indique le journal officiel : « A-t-on dit le contraire, c’est scandaleux ! »

En effet, Monsieur le ministre, votre manœuvre oratoire tend à laisser penser que mon collègue Pascal Savoldelli approuvait implicitement les crimes ou les exactions du régime de M. Poutine. C’est effectivement scandaleux.

Pourtant, comme vous l’a indiqué d’emblée mon collègue en vous répondant, il avait débuté sa question d’actualité en évoquant « l’odieuse agression de Vladimir Poutine ». Peut-on être plus clair Monsieur le ministre ?

Ne vous en déplaise, M. Savoldelli et notre groupe avaient le droit de consacrer leur temps de parole, après avoir rappelé, en un mot, tout le mal que nous pensons de l’action du régime russe, à la construction de la paix, d’une paix durable, et à l’arrêt de ce massacre qui endeuille le continent européen dont la responsabilité incombe entièrement à l’agresseur, même si pour parvenir à cette paix et à cette exigence de sécurité collective il faut, de manière sérieuse et efficace, pour écrire l’Histoire, examiner cette dernière, pour comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là.

Pour résoudre un conflit si grave, une situation internationale si dangereuse, les coups de menton ne suffisent pas, il faut agir et réfléchir et surtout fixer clairement l’objectif de paix pour répondre à l’attente profonde des populations européennes.

Cette orientation, qui fait appel à l’intelligence et écarte la fébrilité politicienne, exige le respect des opinions des uns et des autres en évitant la caricature et la manipulation auxquelles vous vous êtes prêté ces deux derniers jours.

Je tenais, Monsieur le ministre, à rétablir la vérité par ces quelques lignes en me tenant prête à préciser nos propositions dans le cadre d’un débat républicain et courtois.
En vous souhaitant bonne réception, je vous prie, Monsieur le ministre, d’agréer l’expression de ma considération distinguée.

Cécile CUKIERMAN

Et enfin, je poursuivais sur les trois points qui devaient nous intéresser : assurer la paix sur le continent européen, bloquer l’expansionnisme russe, échapper à la domination américaine. » Ne vous retrouvez-vous pas dans ses trois priorités ?

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