Monsieur le ministre, il y a quelque temps, dans cet hémicycle, un sénateur du Cantal que vous devez connaître rappelait que « le trajet Aurillac-Paris dure, selon les jours, entre six heures deux minutes et dix heures trente »… (Sourires.) « Parfois, poursuivait-il, une partie du trajet s’effectue en bus : c’est le progrès ! » Et de constater : « C’est en tout état de cause une demi-heure de plus, dans le meilleur des cas, que voilà vingt-cinq ans ».
Pour être sûr qu’on ait bien compris, le même ajoutait que, en 1905, un train de nuit direct reliait Aurillac à Paris, alors que, en 2013, il fallait aller chercher un train de nuit en autocar jusqu’à Figeac pour espérer rejoindre Paris neuf heures quarante plus tard. « Magnifique progrès en deux Républiques et 105 ans », concluait-il, avant d’ajouter : « Je ne doute pas que, le changement étant maintenant, nous allons réduire ce temps de trajet »…
Le changement n’étant plus maintenant, mais néanmoins en marche (Nouveaux sourires.), et le cas d’Aurillac résumant bien la situation de pans entiers du territoire et de nombreuses villes moyennes, comment comptez-vous redresser cette situation calamiteuse, pour ne pas dire scandaleuse ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Collombat, je reconnais bien là votre sens de l’humour…
Contrairement à beaucoup d’autres, je ne renie jamais mes déclarations et je reste fidèle à mon engagement politique. Ce que j’ai dit ici même à plusieurs reprises, je le maintiens : il y a dans notre République des territoires qui ont été complètement oubliés !
Les chiffres que vous avez cités, et que j’avais plusieurs fois indiqués, correspondent à la réalité ; je la subis chaque semaine quand je rentre dans mon département.
Remarquez que le Gouvernement n’a pas fondé sa politique sur le mot « changement » : nous sommes en marche. Je souhaite néanmoins qu’on ne relie pas Aurillac à Paris à pied… (Sourires.)
Voyez-vous, la ministre des transports sera à Aurillac le 6 novembre, parce que j’ai attiré son attention sur les difficultés, non pas seulement de mon territoire, mais de tous les territoires excentrés et oubliés.
Dans le Massif central, trois départements qui se touchent ont donné quatre chefs de l’État à la Ve République. Je ne peux pas dire que le désenclavement de nos territoires en ait beaucoup profité ! C’est un constat qui concerne toutes les travées de cet hémicycle…
M. Pierre-Yves Collombat. À quelques exceptions près !
M. Jacques Mézard, ministre. Pas beaucoup ! (M. Roger Karoutchi rit.)
Très concrètement, on ne peut pas tout avoir ni tout développer, mais il faut que nous opérions des choix qui assurent aux habitants de ces territoires au moins un bon moyen de désenclavement, qu’il s’agisse du train, de la route ou de l’avion. Nous n’y sommes pas, mais sachez que, pour bien connaître le sujet, j’attire régulièrement l’attention de Mme le ministre des transports sur la nécessité de ne pas penser seulement à la desserte des métropoles, comme on l’a fait pendant une vingtaine d’années.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème, monsieur le ministre, ce n’est pas vous ! À entendre, notamment, la ministre des transports, qui entend ouvrir les TER à la concurrence et supprimer les arrêts TGV dont bénéficient actuellement un certain nombre de villes moyennes, je crains que vous ne manquiez de soutien au sein du Gouvernement…
« Pour faire un parallèle avec l’aérien, on ne dessert pas Brive avec un A380 » : voilà ce que vient de déclarer votre collègue, dans un résumé méprisant d’une certaine philosophie de l’aménagement du territoire.
Vous, monsieur le ministre, répétez qu’il ne faut pas opposer le rural et l’urbain. Dont acte. Mais je constate que d’autres le font !