Comment la France perd son pari écologique et industriel

Débat sur la relance du fret ferroviaire

Publié le 29 avril 2025 à 16:56 Mise à jour le 5 mai 2025

Depuis le vote dans cet hémicycle de la proposition de résolution de mon groupe déposée le 7 decembre 2022 traitant du développement du transport ferroviaire, ce sujet pourtant central pour nos mobilités, notre économie et la transition écologique est resté le parent pauvre de nos débats.

Pas tout a fait néanmoins lorsqu’il s’est agit de traiter de la “sécurité dans les transports” ou pour restreindre le droit de grève et stigmatiser les salariés du ferroviaire.

A ce moment du débat, Je salue au passage les syndicalistes cheminots présents ce soir en tribune, qui défendent sans relâche les droits des salariés de la SNCF, des usagers et le service public de transport ferroviaire, afin qu’il retrouve la place stratégique dont notre pays a besoin.

C’est de cette place stratégique dont nous débattons ce soir, deux ans après les annonces d’Elisabeth Borne, alors première ministre, qui brandissait un plan à 100 milliards d’euros d’ici 2040 tentant de faire oublier un contrat de performance particulièrement régressif.

Depuis, cette “nouvelle donne ferroviaire” ne semble plus d’actualité pour le gouvernement et la situation s’est particulièrement aggravée. Le transport de voyageurs ne suit pas, à cause du manque d’anticipation et de l’insuffisance du réseau. La SNCF applique la loi du marché et le manque d’offre s’adapte à la forte demande en proposant des prix exorbitants au détriment des usagers, les obligeant à se rabattre vers des modes de transports plus polluants comme l’avion ou la voiture.
Alors que les transports constituent plus de 30 % de nos émissions de CO2 , l’effort public pour le développement du ferroviaire saboté par des décennies de libéralisme n’est pas au niveau des enjeux environnementaux et des engagements pris dans le cadre des accords de Paris.

C’est particulièrement vrai pour le fret ferroviaire, puisque 24% des émissions issues des transports sont liées aux poids lourds, et donc au transport routier de marchandises.

En 2021, dans la loi climat et résilience, le Sénat avait introduit l’objectif louable de doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici à 2030.

Faute de moyens financiers pour les entretenir, les lignes capillaires qui connectent entrepôts et usines au réseau principal accusent une moyen d’âge de 73 ans.
Un quart des voies a été fermée ces 6 dernières années.

La baisse du trafic ferroviaire est significative :

  • 19,6 % de fret conventionnel, et -23,5 % de transport combiné . Alors que chez nos voisins européens, le transport ferroviaire de marchandises poursuit sa croissance : il gagne 22 % en Italie par rapport à 2019, 10 % en Allemagne, 2 % en Suisse.

Le plan de discontinuité décidé par le Gouvernement suite aux injonctions de la Commission Européenne a porté un coup très dur au transport de marchandises public dans notre pays.

Le 1er janvier 2025, Fret SNCF « démantelé en deux sociétés, a du vendre du matériel roulant et abandonner 23 lignes, les plus rentables bien sûr, sur lesquelles Hexafret, le successeur de Fret SNCF, ne peut plus se positionner durant 10 ans. Un non sens dans un pays qui veut se réindustrialiser.

On nous répète qu’Hexafret pourra bénéficier d’une ouverture aux capitaux, mais qui viendra investir de l’argent dans une entreprise à qui on oblige de réduire ses parts de marché ?

Le manque de moyens alloués au transport ferroviaire de marchandises est une aberration, à l’heure où nous devons de façon concomitante :

  • soutenir la réindustrialisation, notamment en produisant du matériel roulant ;
  • soutenir aussi les entreprises, et nous serons plus attractifs en ayant un réseau de transport ferré développé ;
  • réduire nos émissions de gaz à effet de serre ;
  • retrouver notre souveraineté, et donc limiter la place des entreprises étrangères et les financements privés ou d’Etat étrangers qui les soutiennent. Je prends l’exemple de Kéolis, détenu à 30% par la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Nous le savons, le transport ferroviaire ne peut pas fonctionner sans un soutien public, et la recherche de profits tout comme l’ouverture à la concurrence dans ce secteur, sont forcément contraire à l’intérêt général.

La recherche de la rentabilité maximum conduit à des suppressions d’emplois, à la dégradation des conditions de travail des salariés, à économiser sur la maintenance des infrastructures et des trains, à fermer des guichets, voire des gares si le chiffre d’affaires n’est pas à la hauteur souhaitée.

Nous devons soutenir l’intermodalité, en proposant un maillage au plus fin et en réduisant ainsi la présence de camions sur les routes. Ce n’est malheureusement pas le choix fait par les gouvernements successifs.

Le fret ferroviaire peut être un équilibre, en mettant à contribution les entreprises qui l’utilisent, tout en leur apportant un service efficace, moins polluant, et donc finalement moins coûteux pour toutes et tous.

Des financements sont disponibles. Nous savons par exemple que les premières concessions autoroutières prennent fin en 2030. Nous défendons la renationalisation de ces autoroutes, en conservant une logique de péage qui pourrait nous permettre de financer les transports. 1 milliard d’euros pourrait être alloué au ferroviaire, 3,4 milliards pour les autres modes, dont la mise en place notamment des Services Express Régionaux Métropolitains (SERM).

La france ne peut pas continuer à afficher des ambitions climatiques sans les traduire en actes.
La relance du frêt ferroviaire est une urgence, une opportunité industrielle, une exigence écologique et sociale.

Marie-ClaudeVaraillas

Sénatrice de Dordogne
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Alors que les transports constituent plus de 30 % de nos émissions de CO2 , l'effort public pour le développement du ferroviaire saboté par des décennies de libéralisme n'est pas au niveau des enjeux environnementaux et des engagements pris dans le cadre des accords de Paris.

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