Depuis la première concession accordée en 1823, la part du fret ferroviaire n’a fait qu’augmenter pour atteindre 73 % en 1948. Un vrai maillage territorial efficace existait alors. Depuis les années 1970, une conjonction d’éléments a oeuvré au profit du tout-routier, avec une perspective court-termiste. Les investissements ne sont plus au rendez-vous, les lignes se délabrent et ferment.
De 75 milliards de tonnes-kilomètre en 1914, nous sommes tombés à 55 tonnes-kilomètre en 1998, 40 milliards en 2005 et 35 milliards en 2021.
En Allemagne, la part modale du fret ferroviaire est de 18 % ; elle est de 32 % en Autriche et de 35 % en Suisse.
Ces dernières décennies, le service public de transport de marchandises a été attaqué : démantèlement du groupe SNCF, fermetures de gares et de lignes, suppression de quelque 10 000 emplois en dix ans.
Le pacte ferroviaire de 2018 a fragmenté le fret, comme le plan de discontinuité, sur lequel l’intersyndicale demande un moratoire.
Pourtant, beaucoup s’accordent sur son intérêt : en 2020, la convention citoyenne sur le climat demandait un doublement de la part modale du fret ferroviaire d’ici à 2030.
Le dérèglement climatique impose de mettre en oeuvre une politique audacieuse en faveur du mode le moins polluant. Un train, ce sont cinquante camions en moins sur la route. Le rail permet de développer le territoire, de le dynamiser.
Je pense à la gare de triage de Somain, dans le Nord, à côté de chez moi, qui demande à être revitalisée plutôt qu’abandonnée, alors que le canal Seine-Nord passera à quelques kilomètres, que l’ancienne base aérienne de Cambrai se développe et que le Dunkerquois accueille de nouvelles activités à grande échelle.
À ce propos, j’adresse une pensée aux 600 salariés d’ArcelorMittal, dont 180 à Dunkerque, qui risquent de voir leur emploi rayé d’un trait de plume, alors que leur entreprise, ayant touché 300 millions d’euros d’aides de la part de l’État en 2023, verse de 300 à 400 millions d’euros de dividendes par an à ses actionnaires.
La relance du fret passera par des investissements conséquents. Il faut rénover et densifier le réseau, rendre le rail plus attractif que le transport routier qui bénéficie d’avantages fiscaux, d’aides et de l’absence de contribution à l’entretien du réseau.
Il faut convaincre les industriels avec une fiscalité favorisant le report modal.
Il est urgent de repenser le modèle de financement des transports ; la conférence nationale sur le financement des mobilités, Ambition France Transport, lancée en mai prochain, devra s’y atteler. Une des pistes est le fléchage des bénéfices des concessions routières - 40 milliards d’euros, à tel point que l’on parle de surrentabilité - vers le fret et le développement du rail. Ce chiffre avait interpellé tout le monde ici, à tel point qu’une commission d’enquête avait été créée en 2020.
Je salue chaleureusement les cheminots, bien trop souvent caricaturés. Je salue leur engagement sincère au service de l’intérêt général. Le fret peut être un atout essentiel pour la relance agricole et industrielle du pays. Pour cela, il faut investir, donner du sens à la politique du fret et en faire un bien commun national. La balle est dans votre camp.